Une bonne histoire

Il ne sera pas question ici des scénaristes qui s’échinent à écrire au jour le jour la situation politique française ; ils ont beaucoup trop de boulot pour qu’on les dérange. Cela dit, pour ceux qui ont en tête la série Baron noir avec Kad Merad, peut- être se souviennent-ils que les événements qui y étaient racontés alors, préfiguraient pour beaucoup ce qui se passe, ou pourrait se passer, aujourd’hui. Eric Benzekri, créateur et scénariste de Baron noir, portait haut le flambeau du showrunner, comme on dit en bon français. Comme le firent en leur temps Eric Rochant (Le Bureau des légendes) ou Fanny Herrero (Dix pour cent). Tout à coup l’écriture scénaristique française se retrouvait sous les projecteurs, justement récompensée ici ou là et même copiée par- delà l’Atlantique, pourtant lieu de toutes les créations sérielles les plus folles.

L’annonce, le 15 octobre, de la signature d’un “Accord interprofessionnel sur les pratiques contractuelles entre auteurs-scénaristes et producteurs d’œuvres cinématographiques de long-métrage de fiction” a remis sur le devant de la scène ce métier de plume qui occupe une place si particulière en France ; comprendre une place trop minime. Il faut tout de même noter que “La Guilde des scénaristes” s’est opposé à cet accord quand les “Scénaristes de cinéma associés” l’a signé et que ce “mécanisme de négociation inédit entre auteurs et producteurs”, comme le rappelle le CNC, a été mis en place le 12 mai 2021… Pardon ? Quatre ans et demi ? C’est une blague ? Eh bien non, ça ne l’est pas. Ce très long temps de discussions dit bien le manque de considération des scénaristes, un corps de métier empêtré dans une histoire culturelle française qui ne l’a jamais vraiment estimé.

Ce qui ne cesse d’étonner, tout de même, c’est le peu de valorisation des scénaristes depuis plus de soixante ans.

Ce qui ne cesse d’étonner, tout de même, c’est le peu de valorisation des scénaristes depuis plus de soixante ans.

On peut lire les termes de l’accord sur le site du CNC (Rémunération des scénaristes, Minimums planchers, Fiche généalogique d’écriture…) et, sur son propre site, les raisons du refus de la Guilde qui n’exclut pas un recours en justice pour contester cet accord. La Guilde est un peu seule quand les signataires sont nombreux (SCA, SRF, ARP, SACD, API, SPI, UPC) et, sans entrer dans les détails (Ecran total l’a fait), la signature pourrait faire foi même si le Guilde soulève quelques points d’ombre.

Ce qui ne cesse d’étonner, tout de même, c’est le peu de valorisation des scénaristes depuis plus de soixante ans ; en fait depuis l’arrivée de la Nouvelle vague qui a signé la traversée du désert pour les forçats de l’imaginaire. Comme si on devait toujours opposer la célèbre formule de Jean Gabin – “un bon film, c’est une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire” – et l’auteurisme à la française, né dans les années soixante, qui porte aux nues le cinéaste et ignore le plumitif. Les deux ont évidemment tort. Mais cette dichotomie perdure. Surtout au cinéma, d’ailleurs. L’écriture sérielle, elle, trouve (plus) souvent l’équilibre entre la forme et l’intrigue. Le grand écran a encore des efforts à faire. Les réalisateurs omniscients n’ont pas toujours raison. Alexandre Dumas n’est pas non plus le seul scénariste français. Mais passer du temps à inventer une intrigue, c’est un métier, une tournure d’esprit, une technique, un labeur, une joie, une souffrance. Il doit être payé, évidemment. Et applaudi. On y vient petit à petit. Mais c’est long.

 

Une bonne histoire
Image from Ecran Total

 

Source: https://ecran-total.fr/2025/10/22/une-bonne-histoire/

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