Ecoprod a eu le plaisir de s’entretenir avec Mathieu Thill, coordinateur d’éco-production sur le tournage de la série Alex Hugo (Label Ecoprod 3 étoiles)
Découvrez les coulisses du tournage, les leviers mis en place pour réduire l’impact environnemental de la production, et les réalités du métier de coordinateur d’éco-production!

Quel est le plus grand défi auquel tu as dû faire face sur ce tournage en haute montagne ?
La série Alex Hugo a la particularité d’être tournée à plus de 80% en décors naturels de haute montagne. Par conséquent, nous sommes souvent dans des parcs protégés, dans des sites remarquables, et il est essentiel de respecter ce formidable patrimoine montagnard.
A donc été mis en place une stratégie permettant de limiter au maximum les impacts sur la nature : j’ai rédigé, en partenariat avec les services compétents dédiés (ONF, Natura 2000,…) un diagnostic d’impacts et un plan d’action par décor. Y sont exposés des préconisations, des photographies des espèces animales ou végétales exceptionnelles ou non, et des explications sur les sites si nécessaire. Ces documents étaient envoyés avec la feuille de service. L’important étant que les équipes arrivent sur place en pleine conscience d’où ils mettent les pieds… même si l’incroyable beauté du spectacle de la nature devant eux est déjà une belle leçon en soi.
Il est également nécessaire de limiter les impacts de notre passage. J’ai donc fait en sorte que nos déchets soient les plus limités possibles, les deux chefs opérateurs ont privilégié un dispositif léger de mise en lumière sans recours à un groupe électrogène thermique, des zones étaient interdites d’accès quand nécessaire. Et puis, chaque désagrément majeur possible a été discuté. Par exemple, nous avons limité les coups de feu tirés. Dans une séquence de brume en pleine forêt, il a été choisi de n’utiliser qu’une machine à fumée classique et non des SFX, de tourner sur un décor en lisière de forêt séparé par un imposant massif rocheux pour limiter nos impacts à une zone très définie, et aucune source lumineuse forte n’a été dirigée vers la forêt.
Il faut avoir conscience que l’artistique ne peut pas primer sur le vivant. Nous ne sommes plus des colons qui ont le sentiment de faire ce qu’ils peuvent. Nous devons beaucoup à la Nature et elle ne nous doit rien.
Quelles ont été tes priorités en termes de réduction de l’empreinte environnementale, et pourquoi ?
- Une utilisation drastique du réutilisable : Sur les gobelets évidemment, mais aussi sur les touillettes, l’essuie-tout (un essuie-tout lavable a été systématisé), le lavable au HMC dès que possible. Cela permet de limiter les déchets, mais aussi de rappeler ma présence et mon investissement.
- Une gestion des déchets optimisée: Limitation des emballages et nettoyage systématique des décors naturels. Parce que le tri reste le ba.-ba et que, d’une certaine manière, c’est la vitrine et l’emblème évident de nos démarches écologiques.
- Une pédagogie accrue : Sur l’épisode 31, tout un pan de la narration portait sur des pins. À la demande de la réalisatrice, j’ai mis à disposition plusieurs documents permettant à l’équipe de se renseigner sur toutes les variétés de pin existantes, et sur leurs impacts sur la faune et la flore environnante. Cela a permis de mettre un peu plus de vivant dans nos cultures générales. Fatalement, cela a des effets, même inconscients, sur le travail de chacun : moins de consommables utilisés, des lumières éteintes dès que nécessaires…
- Une utilisation de l’eau raisonnée : Mise en place dès que nécessaire de toilettes sèches, des voitures lavées à la main dès que possible, l’eau du robinet privilégiée. Parce que l’eau, avec le réchauffement de la planète, va devenir le principal enjeu de survie pour les prochaines générations.
Il est aussi nécessaire de réussir à fédérer toutes les équipes autour de l’environnement. Il y a plusieurs difficultés : les mauvaises habitudes, les habitudes difficiles à changer, les habitudes de (sur)confort. Bref, les habitudes !
Tu as obtenu un score d’éco-production exemplaire sur ce tournage : quels ont été tes atouts ?
Pour une adhésion totale de l’équipe, j’utilise la méthode douce et suis dans une position très pro-active. Ainsi, si quelqu’un trie mal, je re-trie derrière. Si quelqu’un n’a pas le temps de faire un geste vertueux, je le fais pour lui. Je fais la vaisselle, mets des poubelles de tri partout, use de l’humour dès que je le peux (sur la feuille de service, dans quelques mails dédiés et sur le plateau).
Résultat : je n’ai quasiment aucune réticence de personne à faire des efforts. Il y a toujours des moyens de s’améliorer mais je trouve que les trois étoiles ont récompensé une vraie belle réussite d’équipe.
De plus, des bonnes pratiques sont déjà en place depuis un certain temps dans les équipes de France Télévisions: La Fabrique, et France TV Studios (les deux sociétés en co-production). Mais ce n’est vraiment pas le moment de relâcher les efforts. Il faut continuer dans cette voie, pour notamment continuer à être bien accueillis par les habitants de la Région et les institutions. Pour continuer à tourner dans des décors merveilleux. Et parce qu’il est important que chacun fasse des gestes vertueux et des efforts. Il n’y a aucune raison que l’audiovisuel français soit dispensé. Bien au contraire, il peut devenir un exemple à suivre, une étincelle pour des envies de changement.
La série Alex Hugo est à retrouver sur France.tv
Pour vous lancer dans une démarche d’éco-production, consultez les ressources et les formations d’Ecoprod.
Source : Ecoprod