Emmanuel Carrère est couronné du prix du roman français avec “Kolkhoze” et succède à Julia Deck, lauréate en 2024 pour “Ann d’Angleterre”.
Est-il normal qu’un écrivain de la trempe d’Emmanuel Carrère n’ait jamais reçu le prix Goncourt ? La réponse est : pas vraiment. Mais n’est-il pas plus surprenant encore qu’hier, mardi 4 novembre, lors des délibérations de l’Académie des dix, le superbe et terriblement romanesque Kolkhoze (éd. P.O.L) n’ait recueilli aucune voix, celles-ci s’étant portées exclusivement sur Laurent Mauvignier pour La Maison vide (six votes) et Caroline Lamarche et Le bel obscur (quatre votes) ? Si, un peu… Le jury du Médicis – le plus exigeant et précis des prix littéraires de l’automne – est venu, ce mercredi, compenser/réparer/balayer cette étrangeté, en attribuant à Emmanuel Carrère ses lauriers annuels. S’il n’est que justice que le magnifique roman de Laurent Mauvignier ait été couronné par le Goncourt, l’absence de Kolkhoze dans le palmarès général des livres primés eût été inéquitable, tant ces deux grands livres ont donné le ton d’une rentrée littéraire 2025 d’une singulière qualité.
Dans Kolkhoze, Emmanuel Carrère retrace la vie de sa famille sur quatre générations, depuis ses arrière-grands-parents, arrivés de Géorgie en France en 1921. Plaçant au centre du livre la figure audacieuse et ambitieuse d’Hélène Carrère d’Encausse, sa mère, fille et petite-fille d’exilés devenue historienne spécialiste de la Russie et académicienne, et à laquelle, au lendemain de sa mort en 2023, la nation française rendit hommage lors d’une cérémonie en grande pompe aux Invalides. Un destin hors du commun autour duquel l’écrivain tisse un grand livre à la fois limpide et profond, intimiste et épique, porteur d’une réflexion sur la destinée et le métier de vivre.
Les autres lauréats du jury du Médicis sont, dans la catégorie Romans étrangers, Les Bons Voisins, de la Britannique Nina Allan (traduction de l’anglais par Bernard Sigaud, éd. Tristram) et Ce qui luit dans les ténèbres. Souvenirs de la vie d’un narrateur, de l’écrivain hongrois Péter Nadas (traduit du hongrois par Sophie Aude, éd. Noir sur blanc). Et, dans la catégorie Essais, Au Cinéma Central. Une éducation sentimentale, le récit de l’écrivain et critique Fabrice Gabriel (éd. Mercure de France, coll. Traits et Portraits).
Source: Télérama