« Chien 51 », actuellement au cinéma, est l’adaptation d’un roman de Laurent Gaudé. Le film est-il ressemblant au livre d’origine ? Plusieurs différences notables sont à souligner. Cédric Jimenez, son réalisateur, nous explique pourquoi.
Rappelons d’abord l’histoire de Chien 51, le film. L’intrigue se passe dans un futur proche. Paris a été divisé en 3 zones séparant les classes sociales et où l’intelligence artificielle ALMA a révolutionné le travail de la police. Jusqu’à ce que son inventeur soit assassiné et que Salia et Zem, deux policiers que tout oppose, soient forcés à collaborer pour mener l’enquête…
Chien 51 est adapté du livre du même nom de Laurent Gaudé, paru en aout 2022 chez Actes Sud (puis en poche en septembre 2024). Si vous avez lu le livre, il ne vous aura pas échappé que le film s’éloigne à plusieurs moments du livre. La différence majeure étant que l’intrigue change totalement de lieu. Pourquoi Cédric Jimenez, réalisateur et coscénariste avec Olivier Demangel, a-t-il fait des choix s’éloignant du roman ? Nous lui avons posé la question.
Ramener l’action du film à Paris
« D’abord, je voulais ramener l’action du film à Paris, parce que le livre se passe en Grèce, dans une société qui s’appelle Magnapol, avec une approche assez allégorique de la société.
Je voulais ramener l’univers plus au réel, le ramener à Paris, qui est forcément la société française, celle que je connais le mieux, et que je préfère aborder, traiter. Ensuite, ce qui m’avait le plus marqué dans le livre, au-delà du nombre de formidables idées que j’ai conservées, c’était vraiment la relation entre Zem et Salia, entre ces deux personnages, qui m’avaient vraiment bouleversé et que je voulais conserver coûte que coûte.
Conserver le concept de zonage
En ramenant le film à Paris, j’ai conservé cette histoire de zonage. Elle est très importante, parce que finalement, les Zones racontent les populations aujourd’hui et ses classes sociales qui ont beaucoup de mal à se mélanger, à dialoguer, à se comprendre, à se réconcilier. Et finalement, dans la petite histoire, celle de Zem et Salia, ce sont deux personnages qui viennent de deux zones différentes et qui vont se mettre, malgré leur différence, à dialoguer, à se rapprocher, à se réconcilier, jusqu’à la rédemption et la solution.
Je trouvais ça très intéressant, ce parallèle entre le contexte de la ville et du monde qu’il représente, et l’histoire de ces deux personnages qui vont venir justement donner une réponse à tout ça. »
Selon le coscénariste Olivier Demangel, le fait de ramener l’histoire en France permet également une identification plus forte pour les spectateurs français.
De premières versions du scénario plus proches du livre
« Toujours selon le coscénariste Olivier Demangel, les toutes premières versions du scénario étaient différentes et « très proches du livre ». Il développe : « C’est normal, au début, on est très conservateur du roman, parce que quand on l’a lu et qu’on l’a adoré, on se dit que c’est parfait. Mais il faut ensuite l’adapter, non seulement à notre vision mais aussi à ce qu’il est possible de faire. Par exemple, dans le roman, la ville est protégée par un dôme, parce qu’il y a des pluies acides. C’est très beau mais on s’est très vite dit qu’on n’arriverait pas à recouvrir Paris avec un dôme », détaille-t-il dans un entretien dans le dossier de presse du film. »
« Cédric Jimenez, également dans le dossier de presse du film, souligne que « l’exercice littéraire et cinématographique sont très distincts ». Il précise : « il faut récupérer les éléments fondamentaux du livre, comme les personnages, certains mouvements profonds et les transposer dans la dramaturgie, très différente, d’un film ». »
L’intelligence artificielle au coeur du film
Autre différence notable entre le livre et le film, l’introduction de l’intelligence artificielle. « Sur le fond, l’intelligence artificielle n’existe pas du tout dans le roman, qui parle de greffes médicales sur fond d’élection politique. Mais on ne voulait pas tomber dans le film politique et les greffes médicales nous semblaient cinématographiquement moins fortes, plus romanesques », explique Olivier Demangel.
« Il poursuit : « C’est en introduisant l’intelligence artificielle dans le scénario que, progressivement, on a déplacé la narration du roman. Mais il reste beaucoup de points communs entre le livre et le film, notamment le cœur émotionnel du récit, cette rencontre entre deux solitudes, ce lien assez fragile, ténu, qui se noue entre deux personnages que tout semble opposer. Comme un lien qui se reconstitue au milieu des ténèbres. Une dimension très forte qui coïncide parfaitement avec le cinéma de Cédric. » »
Une fin différente du livre
Enfin, la fin du film se distingue du livre, puisque le film laisse le personnage de Zem pour mort, ce qui n’est pas le cas dans le livre, puisqu’une suite a même vu le jour en livre, centré sur Zem, donnant son nom au nouveau roman de Laurent Gaudé.
Le saviez-vous ? La suite de Chien 51 (qui sera un des films phares de cet automne) est déjà disponible en librairie ! Laurent Gaudé, auteur du livre adapté par Cédric Jimenez, a dévoilé, pour la rentrée littéraire 2025, le livre Zem, suite littéraire de Chien 51, chez Actes Sud https://t.co/OZn65VooFC pic.twitter.com/ptD9AP8Fhg — Brigitte Baronnet (@BBaronnet) September 1, 2025
Est ce que cela ferme la possibilité d’une suite au cinéma ? Rien n’est acté. Voici la réponse que Cédric Jimenez nous a donné en interview. « Il ne faut jamais dire jamais. Là, pour Chien 51, ça m’a pris deux ans et demi à faire un film. C’est quand même quelque chose de très prenant, de très envahissant et vampirisant. Donc, en général, on a plutôt tendance à avoir envie d’en sortir pour aller sur un univers différent. Ce qui ne veut pas dire que par la suite, je n’aurais pas envie de revenir à ça. »
Pour mémoire, le prochain projet de Cédric Jimenez sera un biopic consacré à Johnny Hallyday.
Source de l’article : AlloCiné