Jean-Pierre Mocky, infatigable provocateur du cinéma français

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jean pierre mocky
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Ram Dam est le festival du film qui dérange, qui avez-vous encore envie de déranger ?

« Ma vocation, ça a toujours été de faire des films pour montrer des scandales ou des choses qui n’ont pas été dites. Sur l’homosexualité, la religion, la politique, la vie sociale, le divorce, l’armée, Lourdes… Tous les sujets, je les ai abordés. Mon but c’était de faire des films pour éduquer les jeunes, parce que les enfants ça m’importe beaucoup. Quand un gosse arrive à 12-13ans, il faut qu’il soit au courant de ce qu’il se passe, qu’il sache que la politique c’est pourrie, que les élections c’est de la merde ; à partir du moment où il est informé, il est armé contre la vie. Dans ma centaine de films, j’ai toujours essayé de travailler pour eux. Sauf que de 1960 à 1980, jusqu’à ce que Jack Lang libère la censure, tous mes films ont été interdits aux gens à qui je voulais parler, au moins de 18 ans. Donc, j’étais baisé ! Alors j’ai continué à faire des films difficiles, avec des problèmes que j’essayais d’expliquer. »

Un bon film qui dérange est d’abord un film qui informe ?

« Je suis une espèce de journaliste à ma façon ! Il y a des polémistes, des gens qui révèlent les choses, des journalistes politiques qui finissent par dire des choses. Moi, je joue ces rôles un petit peu. Il faut dire ce que les gens ne disent pas ! »

C’est la vocation du cinéma de toujours questionner, d’interroger, de dénoncer ?

« Non ! On ne peut pas faire que ça ! Il ne peut pas y avoir que des redresseurs de tort, il faut qu’il y ait autre chose que des Zorro ! C’est un peu comme les gens de Charlie Hebdo, c’étaient des gens qui disaient des choses que les autres ne disaient pas, mais tout le monde ne pouvait pas faire du Charlie ! Il faut une tranche de réalisateurs qui font ça. La différence entre aujourd’hui et hier, c’est qu’hier il y avait beaucoup plus de gens qui faisaient ça. On avait Boisset en France. Aux Etats-Unis, quand on a fait Les Hommes du président, on a attaqué Nixon. En Italie, il y a eu les films sur les mafieux.

Aujourd’hui, il y a une espèce de pudeur. Les réalisateurs français ou italiens qui traitaient ce genre ont disparu. Pourquoi ? Je ne sais pas. Je reste de ceux qui le font, mais avec une diffussion très faible parce que les grands médias ne me prennent pas. Quand je vends un film à la télé, c’est généralement pour Arte ou sur des chaînes moins fortes que des chaînes comme TF1. C’est gens-là oblitèrent tous ces films, ne veulent pas qu’on en entende parler. Ils sont au service du pouvoir.

Qu’est-ce que vous voulez dénoncer ?

« Sur le chômage et la politique, il y a énormément de choses à faire, comme sur la police, la sécurité, le terrorisme. Rien n’est dit vraiment. On a des espèces de grandes déclarations. Mais les pouvoirs publics ne veulent pas avouer pas leur impuissance. Des apprentis pour lutter contre le chômage ! (Rires) On va arrêter les terroristes en en mettant trois devant les synagogues ! Ça va pas ça, ça ne tourne pas rond. La lutte contre le chômage est dérisoire, la défense est dérisoire. Nous, on est là pour mettre le doigt là-dessus.

Les médecins dans les campagnes. Si vous arrivez dans la brousse, vous allez trouver des médecins Iraniens, Chinois et plus de Français. Les mecs ne veulent plus être médecin. À23 € la consultation, ça ne les intéresse pas.

Les curés, c’est autre chose. Il n’y a plus de curés. Il n’y a plus de vocation. Dans le temps, ils étaient puceaux. Aujourd’hui à 12 ans ce n’est plus le cas ! Comment voulez-vous qu’à 20 ans, ils rentrent dans un séminaire et ne font plus jamais ça ? Avant ils ne savaient pas ce que c’était et acceptaient l’abstinence. Il faut le dire ça !

C’est pareil pour les militaires. Aujourd’hui, il y a un regain à cause de ce qu’il s’est passé en 2015. Dans le temps, Belmondo et moi on a été objecteur de conscience. Peut-être que si on avait eu 20 ans aujourd’hui on aurait fait l’armée. À l’époque, les mecs ils se tuaient entre eux pendant le service militaire. Je n’ai pas traité ce sujet-là.

Quel est le film que vous avez vu récemment et qui vous a dérangé ?

« Youth, le film avec mon ami Michaël Caine. Dérangeant… On voit deux vieux dans une piscine et qui voient rentrer une fille à poil. C’est un peu dérangeant, ouais. Mais on a découvert Youth, tout le monde a trouvé ça formidable ; mais il a failli avoir le prix à Cannes.

D’ailleurs, il faudrait faire un film contre les festivals. Pas Ram-Dam, parce que c’est pas un festival avec des prix ici. Mais Cannes c’est une rigolade ! C’est comme les frères-là… Les frères Cohen ! Ils sont tous les deux présidents. À la fin, il y a en a un qui aime Youth et l’autre un film coréen. Finalement, ils donnent le prix à Audiard. C’est des conneries !
Un jour je mangeais avec Clint Eastwood à La Napoule. Un mec est venu lui dire que le festival lui avait accordé le prix d’honneur. Mais Clint avait un film en compétition et le jury ne l’avait pas sélectionné. Il a dit vous me prenez pour un con ? et il a pris l’avion et est parti ! »

Après votre carrière et à votre âge, qu’est-ce qui vous dérange aujourd’hui dans la vie ?

« Le fait qu’il n’y ait pas de mécènes. Aujourd’hui, il y a toute une série de vieillards comme moi, mais qui possèdent de l’argent, ils mettent leurs tableaux, leurs bijoux dans des coffres mais ils n’aident pas les artistes. Le roi Louis XV s’occupait de monsieur Molière… Mais aujourd’hui, les gens gardent leur pognon, ils meurent avec et, pendant ce temps-là, les artistes ne peuvent pas travailler et ne sont pas aidés. »

www.ramdamfestival.be

Source La Voix du Nord

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