Le cinéma français en crise (suite) : les producteurs indépendants boycottent le CNC

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Nouveau rebondissement dans l’affaire feuilletonesque de la Convention collective du cinéma. Les producteurs indépendants (rassemblés dans les associations SPI, APC et UPF) ont quitté ce matin la Commission d’agrément du Centre National du Cinéma, et annoncé qu’ils boycotteraient dans les prochaines semaines toutes les autres commissions auxquelles ils participent de droit (Avance sur recettes, Cinéma du Monde, Sofica, etc.) tant que le ministère du Budget ne daignerait pas les écouter. L’enjeu est de taille et Télérama s’en est déjà fait l’écho.

Au bout de sept ans d’un dialogue de sourds, un projet de convention collective a été signé entre quelques syndicats (principalement CGT et un syndicat de techniciens, le SNTPCT) et une association de producteurs, l’API, regroupant les gros du secteur (Pathé, Gaumont, etc.), d’ailleurs davantage exploitants et distributeurs que producteurs. Ce texte fixe des planchers de salaires que la production indépendante, largement majoritaire, ne peut pas systématiquement pratiquer. Il condamne l’existence de nombreux films à petit budget – entre cinquante et soixante-dix titres en moins par an selon les estimations.

Les indépendants ont proposé un texte alternatif, signé par la CFDT et FO, que les pouvoirs publics ne semblent pas vouloir prendre en compte. Car Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, et Michel Sapin, ministre du Travail, ont récemment rappelé leur volonté d’imposer le premier texte, qui serait effectif le 1er juillet. Les producteurs indépendants soulignent la maladresse d’un texte, cosigné par les deux ministres, qui semble considèrer comme acquis l’avis de la « sous-commission de l’extension de la Commission Nationale de la Convention Collective », qui doit se réunir une seconde fois le 11 avril. « Sont-ils devins ou tout est-il joué d’avance ? », s’interrogent les producteurs. Par ailleurs, « l’étude d’impact » censée mesurer objectivement les effets pervers du texte ne voit toujours pas le jour, faute d’un accord entre les parties.

Films fragiles

Télérama s’est élevé contre le projet de cette convention collective. Nous l’avions même considérée dans notre numéro du 16 février dernier comme l’un des dangers menaçant la vitalité et surtout la diversité du cinéma français. Cette prise de position a suscité de nombreuses réactions étonnées de professionnels, nous reprochant notre partialité. Comment contester l’idée que les gens soient payés convenablement pour l’exercice de leur travail ? C’est que les choses sont plus compliquées que ça : les financements du cinéma, certes plus abondants que dans d’autres pays européens, sont limités. Augmenter les salaires aura mécaniquement pour effet de partager la manne entre moins de films et donc moins de gens. A terme, des coupes franches seront faites dans la profession, tandis que des films « fragiles » – souvent les plus intéressants esthétiquement – disparaîtront. Mais les techniciens sont inquiets de leur précarisation, au moment même où le statut de l’intermittence va être reconsidéré.

Le débat excède le traditionnel clivage gauche-droite : les producteurs indépendants, dans leur ensemble, ne sont pas des « méchants patrons » exploitants des « employés vertueux ». Ce sont des patrons de PME fragiles, le plus souvent sans assise capitalistique, qui créent de l’emploi et de l’art par vocation, et dont l’enrichissement personnel n’est pas le but premier. Leur salaire et les frais généraux de leur société sont la première variable d’ajustement quand un financement vient à manquer. Sans doute les idées reçues sur le métier de producteur les empêchent-ils de se faire entendre, notamment d’un gouvernement de gauche, décidé à faire un geste apparemment social. Après leur coup de force ce matin, qui met en suspens le fonctionnement du cinéma français, la prochaine étape devrait être l’engagement dans la bataille des cinéastes eux-mêmes, plus à même, peut-être, d’interpeller l’opinion. La suite au prochain épisode.

Source : TELERAMA – Aurélien Ferenczi

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