Philippe Barassat, réalisateur de plusieurs courts métrages, travaille sur un important de projet de comédie musicale filmée : Lisa et le pilote d’avion. Il coécrit cette oeuvre avec Florence Vignon, tandis qu’il fait appel à Christian Roux pour les chansons. Barassat propose le premier rôle à la compagne d’Eric Cantona, Rachida Brakni. C’est ainsi que l’ancien footballeur intègre à son tour le casting. Le projet se monte progressivement. Barassat a un producteur : la société Abracadabra. Le CNC consent une avance sur recettes de 400.000 euros. Par malchance, Abracadabra fait faillite. C’est alors que Cantona rachète la production à la liquidation judiciaire en qualité de gérant d’une société Canto Bros. Le prix : 10.000 euros. La situation devient donc particulière, en ce sens que les auteurs assistent à la transformation d’un comédien en producteur du film. Le climat se détériore ensuite entre les auteurs et la vedette/businessman. D’où le procès engagé le 4 mars 2010, après une tentative infructueuse devant le juge des référés. Barassat reproche à Cantona son inertie et le piétinement de longues années d’écriture. Il réclame l’indemnisation du préjudice matériel résultant de l’impossibilité d’exploiter le film et des difficultés engendrées par le défaut de production de ce qui devait être son premier long métrage. Il invoque en outre un préjudice moral résultant de l’impossibilité de divulguer son oeuvre.
Le 27 mai 2010, le Tribunal de grande instance de Paris (RG n° 10/4164) déboute les demandeurs de la quasi-intégralité de leurs demandes, non sans sévérité – mépris ? La décision traite essentiellement des accords financiers entre auteurs et producteur. Le droit d’auteur y apparaît toutefois en toile de fond, par le biais de l’obligation d’exploitation du producteur audiovisuel conformément aux usages de la profession (art. L. 132-27 CPI). Le problème de droit consistait à savoir si l’obligation d’exploitation implique l’obligation d’achèvement du projet. En l’espèce, le cadre contractuel stipulait que le producteur n’était nullement engagé à un résultat, en terme d’achèvement du projet. Le tribunal en déduit que le producteur avait juste à sa charge l’obligation de faire toutes démarches nécessaires pour parvenir à finaliser le projet. Or Canto Bros justifierait d’un certain nombre de ces démarches, et notamment de la sollicitation de distributeurs aux fins d’obtenir un financement complémentaire. Dès lors, le tribunal rejette la demande de Barassat en niant le lien de causalité entre le comportement de Canto Bros et son préjudice, compte tenu de cette absence de soutien des distributeurs.
L’affaire pourrait être réexaminée en appel. A suivre…
Source : Décision aimablement transmise par Me Sébastien Haas, conseil des auteurs demandeurs