Sur le tournage de Dany Boon “Rien à déclarer”

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DANY BOON
DANY BOON
 

Flâneurs vêtus de chemises à gros imprimés, ordinateurs XXL, Simca et Peugeot dans les rues… La première chose qui saisit quand on pénètre sur le plateau de Rien à déclarer, c’est l’impression bizarre de faire un bond en arrière. Nous sommes en 1986. L’Europe vient de voter la libre circulation des marchandises et des personnes. Pour les douaniers, c’est la fin d’un monde. Celui des postes et des contrôles aux lignes frontières.”L’idée a germé dans mon esprit pendant la tournée des avant-premières des Ch’tis, explique Dany Boon. Je me suis rendu plusieurs fois en Belgique et j’étais très étonné de voir le no man’s land qu’était devenue la zone frontalière. Quand j’étais étudiant aux beaux-arts en Belgique, dans les années 80, je passais très souvent la douane avec mon carton à dessin et je me faisais souvent arrêter !”

Crédit photo : David Koskas – Pathé

Arrêtées, ce sont aujourd’hui les voitures qui forment une file dans cette rue de Macquenoise, en Belgique, réquisitionnées pour le tournage et reliftées par le décorateur Alain Veyssier. C’est comme un studio à ciel ouvert. D’un côté, la France et son village de Courquain (inventé par Dany Boon) et de l’autre Koorkin, la Wallonne. Au milieu une boutique de chocolat belge (bien évidemment !), un primeur, un bar et un restau. La raison de cet embouteillage : un homme en uniforme qui tient dans sa main les papiers d’un véhicule et fronce les sourcils. C’est Ruben Vandervoorde, un douanier belge qui déteste les Français. “Mon personnage est pire que francophobe, confie Benoît Poelvoorde. Il faudrait inventer une définition du racisme anti-français pour lui. Faut pas essayer de lui trouver des excuses, c’est un con ! Pour le jouer, c’est pas compliqué, il suffit de regarder autour de soi, il y en a plein.”

Et pour cet homme, la fin des frontières est un drame. Le film démarre d’ailleurs sur son cri de détresse. C’est cette scène que tourne Dany Boon aujourd’hui. Un plan compliqué à mettre en place puisqu’il démarre dans le restaurant où un autre douanier belge, interprété par Bouli Lanners, tombe en arrêt sur la une du journal. Il sort affolé, remonte la file des voitures et brandit l’information à son collègue incarné par Poelvoorde.
Il ne faut pas moins de deux grues et une Steadicam pour suivre l’action. Dans la rue, le premier assistant, Nicolas Guy (un fidèle de Dany Boon depuis son premier film, comme la plupart des membres de l’équipe qui ont tous oeuvré au succès des Ch’tis), gère cent trente figurants, quinze voitures, une caravane, deux quinze tonnes et… une friterie. L’ambiance est pourtant zen. “On a été intégré dans la famille, rigole Benoît Poelvoorde, qui fait régner la bonne humeur sur le plateau en vannant les uns et les autres. C’est super gai, on se croirait dans un film belge !” Pour renforcer la cohésion de l’équipe, tout le monde (acteurs et techniciens) est logé dans un village vacances à proximité du lieu de tournage, le val Joly.

UNE IDEE SIMPLE MAIS GENIALE

Jérôme Seydoux, le producteur et grand patron de Pathé, venu en curieux, se délecte du spectacle. “Après les Ch’tis, confesse-t-il, c’était une évidence de poursuivre la route avec Dany. Tout le monde rêvait de faire le film suivant de l’homme qui a fait 20 millions d’entrées !” Pour garder sa poule aux oeufs d’or, Pathé n’a pas lésiné sur le budget du film : 20 millions d’euros, soit presque le double des Ch’tis. “C’est un film d’époque tourné en extérieurs. Il y a beaucoup de boulot sur le décor !” L’action se déroule essentiellement pendant l’hiver 1992, juste avant l’entrée en vigueur du marché unique. “On a l’impression que c’était hier, souffle Dany Boon. Il y a l’informatique qui arrive, internet, les téléphones portables.”

Dans le restaurant, le No man’s land, créé de toutes pièces – cuisine comprise ! – par Alain Veyssier, on commence à s’agiter. Des figurants prennent place au billard. Des douaniers s’attablent. Derrière le comptoir, se trouve un couple qui devrait faire date : Karin Viard et François Damiens, alias les Janus. Une Française et un Belge. “Il y a tout de suite eu une bonne alchimie avec Karin, raconte son partenaire. Je suis impressionnée par sa façon de jouer.” Les Janus représentent un aspect plus terre à terre du scénario : la disparition du commerce frontalier.

L’autre couple franco-belge du film, c’est Benoît Poelvoorde et Dany Boon. Ils se détestent, mais vont devoir travailler ensemble dans la brigade de douanes volantes. “Mon personnage, précise Dany Boon, est motivé par l’amour. Il est amoureux d’une Belge dont le frère est le raciste Vandervoorde. C’est plus ou moins ce que j’ai connu à travers mes parents parce que mon père était de Kabylie et une partie de ma famille maternelle a un peu rejeté le mariage mixte.”

Comme avec Bienvenue chez les Ch’tis, le réalisateur creuse son sillon : faire rire avec la différence pour mieux la valoriser. “On ne parle bien que de ce qu’on connaît, commente Jérôme Seydoux. À sa manière, Dany Boon fait du film d’auteur.” Et Poelvoorde de renchérir : “L’idée de Dany est géniale parce qu’elle était devant nous. On a tous vécu la douane ! C’est ça les grands, ils vont chercher leur inspiration dans la simplicité, mais c’est ce qu’il y a de plus difficile à obtenir.”

CASTING DE CHOIX

Une chose frappe sur son plateau, le calme et la détente qui y règnent. Généralement, les comédies sont réalisées tambour battant. La méthode a été brevetée outre-Atlantique : en donnant le tempo au tournage, on donne le tempo au film. Pas ici. Le réalisateur laisse s’installer les scènes et ne speede pas ses comédiens. La raison est donnée par François Damiens : le casting. “Dany a choisi exactement les gens qu’il voulait, en sachant qu’un Benoît Poelvoorde va canarder alors que Bouli Lanners va être plus posé.”

Pour Benoît, c’est une question de méthode : “Comme c’est un acteur, il n’a pas le défaut qu’ont certains réalisateurs de jouer la réplique devant l’acteur avant la prise.” “Moi, je recherche la vérité, confirme l’intéressé. Le stéréotype de la comédie qui va très vite où il y a très peu de mouvements de caméra, c’est pas mon truc. J’aime les comédies où il n’y a pas que du texte, mais aussi des gags visuels. J’utilise des focales courtes où on voit bien le décor.”

Dany Boon, sur un plateau, c’est effectivement un oeil. Il voit tout. L’imper d’un figurant qui ne se marie pas avec la saison, la couleur du pull d’un autre qui jure avec le décor, une tasse qui n’est pas raccord. Son scénario ressemble à une bande dessinée. “Je suis venu plusieurs fois sur le décor, j’ai prédécoupé la scène, fixé tous mes axes et puis, comme j’étais dessinateur, j’ai storyboardé moi-même certains passages.” “On sent qu’il vient du dessin, ajoute Poelvoorde. Dany recrée un univers comme s’il sortait d’une bande dessinée qu’on aimait enfant. C’est un monde chaleureux, où l’on se sent bien.”

Justement, aujourd’hui, Dany Boon s’est offert un rêve d’enfant pour sa séquence d’ouverture : un plan vu d’hélicoptère. Benoît Poelvoorde terrifié par l’annonce de la fin des douanes hurle un “Nooooooon !” tonitruant qui vient ébranler ses collègues, la bourgade, la France et la Belgique, l’Europe… Poelvoorde brame, comédiens et figurants se figent, l’hélico survole la scène. À chaque fois, Dany Boon dira à son comédien : “Ne te casse pas la voix, de toute façon, il faudra refaire le “non” en postprod.” À chaque fois, Benoît Poelvoorde crie. Plus en colère. Plus rapide. Plus sec. “Il ne s’économise jamais, commente le réalisateur. C’est un acteur d’une dimension stellaire. Il est à l’instinct, très entier.” “Si je ne suis pas dedans au premier degré, ça ne marchera pas à l’image”, rétorque le comédien perfectionniste qui finit la journée la voix dans les chaussettes.

Encore quelques plans des commerçants de ce Courquain imaginaire et la journée s’achève. Les figurants dégainent appareils photos et carnets d’autographe et assaillent Dany Boon. Le comédien réalisateur s’y prête avec obligeance. “Et encore, de l’autre côté, il y a plus de deux cents personnes qui l’attendent, précise Benoît Poelvoorde. Il reste cool, tranquille, gentil, accessible. Il n’a même pas le melon. Il aurait pu avoir la pression, même pas… Moi, il m’épate ! C’est un phénomène à part, c’est rare. Quand on en a un, il ne faut pas le rater.”

Rien à déclarer De et avec Dany Boon – Avec aussi Benoît Poelvoorde, Bouli Lanners… – Sortie : 9 février 2011

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