Leos Carax revient avec un “Merde” fumant

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Inséré entre Interior Design de Michel Gondry et Shaking Tokyo du Coréen Bong Joon-ho, il suit la course folle d’un personnage hirsute interprété par Denis Lavant qui vit tapi dans les égouts, et surgit occasionnellement à la surface pour terroriser les habitants de la ville.

Un œil marron, l’autre blanc, la barbiche broussailleuse, la créature, qui se fait appeler Merde, se déplace en courant, bouscule les passants, leur vole la cigarette qu’ils sont en train de fumer, s’arrête un instant pour leur lécher le bras, et finit par bombarder la ville de grenades et se faire arrêter.

Le film orchestre ensuite la rencontre entre cet olibrius mutique et un avocat français (Jean-François Balmer), qui se présente comme l’une des deux personnes sur Terre à parler la même langue que lui – une langue inventée pour le film, faite de borborygmes et de gestes auto-agressifs.

Les deux acteurs se mettent alors à proférer des propos d’une agressivité ahurissante : monsieur Merde a lancé les grenades parce qu’il n’aime pas les gens, et encore moins les Japonais, qui sont dégoûtants parce qu’ils sont petits et que leurs yeux ressemblent à des sexes de femme ! A la sortie du film, Leos Carax ne semble à première vue pas au mieux. Catalogué maudit depuis le fiasco financier des Amants du Pont-Neuf, en 1991, il n’a pas tourné depuis Pola X, et préférerait être derrière une caméra que sous les projecteurs. Alors que Merde se termine par un carton annonçant les aventures de “Merde in USA”, il espère que ce film va lui remettre le pied à l’étrier. Sans se faire d’illusions : “C’est déjà tellement difficile de croire à quelque chose à Paris, alors ici…”

“J’AIME PAS TOKYO”

Carax a participé au projet parce qu'”il fallait tourner”. Certainement pas en vertu d’une quelconque nippophilie : “J’aime pas Tokyo.” Le film a été fait très vite, pour très peu d’argent. “C’est contraire à tout ce que j’ai toujours fait”, dit-il. Et en vidéo : “J’ai toujours été contre. Quand on dit “moteur”, entre on et off, il y a un monde à inventer. En vidéo, on est tout le temps sur on. On allume le robinet, et puis…” A Tokyo, dans le quartier de Shibuya, où Carax a tourné une des scènes, il est interdit de filmer. “Les deux séquences principales sont des plans volés”, explique-t-il, et les producteurs ont fini embarqués par la police. Mais Carax aime son film : “J’ai une grande relation avec la merde. Il était temps que je fasse un film qui s’appelle comme ça. J’aurais pu le tourner dans n’importe quelle ville riche. Les égouts sont l’Histoire. Merde, c’est moi.”

Isabelle Regnier

Source : Le Monde

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