La Cinémathèque fête Guitry l’illusionniste

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Présentée dans une scénographie élégante, l’exposition (réalisée avec la Bibliothèque nationale de France) est principalement constituée d’objets conçus par ce formidable touche-à-tout, ou lui ayant appartenu : photographies, lettres, affiches, caricatures, matériel publicitaire, mais aussi, bien qu’en nombre trop limité pour refléter l’esprit de faste qui présidait à sa collection, des oeuvres d’art (de Daumier, Renoir, Rouault…), et des manuscrits autographes comme celui de L’Education sentimentale. Le parcours comporte aussi des archives visuelles et sonores, et d’instructifs petits montages de films.

Sacha Guitry et le cinéma, c’est l’histoire d’un amour fou, né dans la défiance, voire le mépris. C’est que ce génie du verbe, dont la voix caverneuse s’est imposée comme une marque de fabrique, n’avait que faire de cet art tant qu’il était muet. Il lui préférait le théâtre, la pantomime, le dessin, l’écriture, l’opérette, la radio…

Cela ne l’a pas empêché de s’y essayer dès 1916, avec Ceux de chez nous, qui capture l’image de douze artistes du XIXe siècle qu’il a fréquentés de leur vivant (Monet, Rodin, Renoir, Rostand, Sarah Bernard, Camille Saint-Saëns…), ainsi que celui qui les lui a fait connaître, son père, l’acteur Lucien Guitry.

Très loin de la forme que prendra son oeuvre future, Ceux de chez nous peut toutefois en être considéré comme le manifeste. A partir de 1935, date à laquelle il réalise son premier long-métrage de fiction, Bonne chance !, rares sont ceux de ses films qui ne mettent pas en scène un artiste ou un grand homme. Rares sont ceux dans lesquels il n’orchestre pas, d’une manière ou d’une autre, un dialogue avec l’art, avec de grandes idées de mise en scène, depuis la disposition de tableaux de sa collection personnelle dans les décors, jusqu’à la reconstitution de scènes immortalisées par de grands peintres.

Chez cet homme de théâtre, le cinéma se conçoit sous les auspices du jeu. Jeu des acteurs, d’abord, qu’il choisit parmi les plus grands (Raimu, Michel Simon, Arletty, Pauline Carton, Jacqueline Delubac, mais aussi de futures vedettes : Darry Cowl, Louis de Funès, Jean Poiré, Michel Serrault ou Bernard Blier), et met en valeur avec dévotion. Du jeu d’illusionniste, ensuite, qu’il orchestre à la faveur de permutations, d’inserts, de conjugaisons baroques, qui font tout le sel de ces films où images, chansons, texte, jeu d’acteur sont également assujettis à la souveraine voix du narrateur, ou de son double, le personnage principal.

Longtemps vus comme du théâtre filmé (avant d’être réhabilités par la Nouvelle Vague), les films de Guitry sont au contraire, pour les plus réussis du moins (Le Roman d’un tricheur, Faisons un rêve, Tôa, La Poison, Napoléon, Assassins et voleurs…), de grandes oeuvres de cinéma, dans lesquelles le théâtre, ce que leur auteur connaît de mieux au monde, sert de matériau de base. La scène est le lieu à partir duquel peuvent se déployer un temps et un espace imaginaires, où la célébration des puissance du faux, du masque, de la tromperie est l’unique voie d’accès à la compréhension du monde.

La fête Guitry est en outre l’occasion de se pencher sur la zone la plus grise du personnage, celle qui concerne son rapport au régime de Vichy : dans Ils étaient neuf célibataires (1939), l’auteur moque une loi xénophobe et se fait le chantre du cosmopolitisme ; dans Donne-moi tes yeux (1943), le peintre, qui va finir aveugle, explique que la défaite de la France doit être le terreau d’une grande vitalité artistique ; dans MCDXXIX-MCMXLII (de Jeanne d’Arc à Philippe Pétain), on comprend que, s’il n’a pas collaboré, il n’en admirait pas moins le chef du régime de Vichy.

Source : Isabelle Regnier / LE MONDE

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