La reine soleil de Philippe Leclerc

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Une jolie adaptation du célèbre roman de Christian Jacq, à la fois instructive et divertissante pour les égyptologues en herbe.

L’argument

Egypte antique, 18e dynastie. Akhesa, ravissante princesse de 14 ans, est loin d’imaginer qu’elle règnera un jour sur l’Egypte… Lorsque son aventure commence, l’impétueuse jeune fille se rebelle contre son père, le pharaon Akhenaton. Elle refuse de vivre confinée dans l’enceinte du palais royal et veut découvrir pourquoi sa mère, la reine Nefertiti, est partie s’exiler sur l’île d’Eléphantine. Akhesa s’enfuit avec l’aide du prince Thout, dans l’espoir de retrouver sa mère. Au mépris du danger, les deux adolescents voyagent alors des rives du Nil aux dunes brûlantes du désert, et affrontent avec courage le mercenaire Zannanza et les prêtres qui complotent pour renverser le pharaon. Avec leur innocence comme seule arme, Akhesa et Thout surmonteront de nombreuses épreuves, et connaîtront ensemble un destin extraordinaire.

L’avis de avoir-alire.com

S’inspirant du mystère entourant la disparition du pharaon Akhenaton, l’écrivain Christian Jacq a échafaudé une intrigue plausible mêlant suspense, trahisons et mysticisme dans La reine soleil, roman historique publié avec un succès retentissant en 1988. Idéalisant sans doute quelque peu le règne de ce pharaon mystique qui tenta par la force d’imposer un dieu unique – Rê, divinité solaire – dans un pays profondément polythéiste, Jacq s’appuie sur de solides connaissances pour dresser le portrait d’un Etat en crise, doutant de sa propre foi et peu à peu gangréné par les complots des prêtres d’Amon. Adapter une histoire aussi complexe en dessin-animé destiné aux enfants était un défi particulièrement dur à relever. Pari en partie gagné par Philippe Leclerc, déjà auteur d’un joli Enfants de la pluie (2003) sur des dessins de Caza.
Tout en respectant au maximum la vérité historique, le cinéaste parvient à raconter une histoire qui touchera sans doute les enfants à partir de huit ans. Tout d’abord parce que les héros sont deux adolescents auquel le jeune public pourra s’identifier et ensuite parce que l’ensemble est traité avec suffisamment d’humour pour faire passer les longs passages dialogués. Enfin, le personnage d’Akhesa a été profondément modernisé au point d’en faire une jeune fille forte, dominatrice, à la lisière du garçon manqué, toutes caractéristiques peu probables pour une princesse de l’Egypte ancienne. Si la thématique est tout à fait intéressante, on regrette pourtant que la forme ne soit pas plus convaincante : manquant sérieusement de fluidité, l’animation en 2D trahit parfois les limites budgétaires du projet. Les couleurs chatoyantes sont très belles, mais certains choix graphiques sont contestables, comme cette ressemblance des personnages avec ceux des productions américaines – Disney et Dreamworks en tête. Ainsi, pourquoi avoir choisi des formes si anguleuses, finalement peu esthétiques ? De plus, contrairement à son confrère Michel Ocelot, Philippe Leclerc n’ose pas toujours aller au bout de ses idées poétiques : ce n’est que vers la fin du métrage qu’il se permet une superbe échappée mystique dans le riche univers mythologique égyptien. La reine soleil est donc un divertissement tout à fait recommandable, très instructif pour les petits, mais un rien frustrant pour les plus grands. Pas de quoi lui porter ombrage, tout de même !

Source : Virgile Dumez / www.avoir-alire.com

Entretien avec Léon Zuratas, Producteur délégué

Après avoir débuté chez United Artists en 1965, Léon Zuratas a produit plusieurs films en prises de vues réelles, parmi lesquels figure ANNA ET LES LOUPS (1973) et LA COUSINE ANGÉLIQUE (1974), de Carlos Saura. Devenu producteur indépendant au début des années 70, il travaille ensuite sur des projets internationaux, comme le conte fantastique LEONOR (1975), réalisé par Juan Luis Bunuel, avec Michel Piccoli et Liv Ulmann, le film d’aventures IT RAINED ALL NIGHT THE DAY I LEFT (1980) de Nicolas Gessner, avec Sally Kellerman, Lou Gossett et Tony Curtis, et la biographie Gauguin, LE LOUP DANS LE SOLEIL (1986) de Henning Carlson, avec Donald Sutherland dans le rôle-titre.

Pouvez-vous évoquer votre parcours dans le domaine des longs métrages d’animation ?

Léon Zuratas : J’ai produit le premier Astérix, ASTÉRIX LE GAULOIS (1967) et le premier Lucky Luke, DAISY TOWN (1972) avec les studios belges Belvision. Ces deux films ont remporté de gros succès. Les projets suivants m’ont entraîné vers la prise de vue réelle, mais pendant ces années, je gardais l’envie de revenir au dessin animé, qui reste le plus beau moyen d’exprimer des fantasmes à l’image. Je suis donc revenu à l’animation en 1985, en reprenant contact avec René Laloux, qui avait réalisé LA PLANÈTE SAUVAGE en collaboration avec Roland Topor, et qui cherchait à développer GANDAHAR CONTRE LES HOMMES-MACHINES depuis de longues années. C’est à cette occasion que j’ai fait la connaissance de Philippe Leclerc, qui était alors assistant de René Laloux, et que je n’ai plus lâché.

Après GANDAHAR, vous avez retrouvé à la fois la science-fiction, Philippe Caza et Philippe Leclerc pour votre long métrage suivant, LES ENFANTS DE LA PLUIE…

Léon Zuratas : C’était également René Laloux qui développait cette adaptation du roman de Serge Brussolo L’ombre du dragon. Mais il ne pouvait le faire aboutir. J’ai proposé à Caza et à Philippe de reprendre le film, et nous l’avons développé de 1996 jusqu’en 2000. Le film est sorti en 2003.

Vous avez décidé de poursuivre votre collaboration avec Philippe Leclerc sur un nouveau thème, égyptien cette fois-ci, avec LA REINE SOLEIL…

Léon Zuratas : Philippe s’est passionné pour ce projet. Son intervention sur le script de LA REINE SOLEIL a été déterminante.

Comment la réalisation technique et artistique de l’animation s’est-elle organisée en Hongrie ?

Léon Zuratas : On m’avait vanté les mérites d’un studio d’animation hongrois, et lorsque nous nous sommes rendus sur place, tout semblait bien parti. Mais je dois dire que nous avons connu beaucoup de difficultés et de surprises diverses et variées. Je dois dire que le sang-froid, l’expérience et la détermination de l’équipe française nous ont permis de surmonter un nombre incroyable d’obstacles. Je tiens d’ailleurs à en citer les trois piliers : Jeff Galataud, Pascal Ropars, Fred Trouillot. L’équipe française a dû initier chacune des étapes de travail qui auraient dû être entièrement prises en charge par les hongrois. Elle a fait pratiquement 50% du storyboard, des layouts, et a signé les meilleurs moments d’animation du film !

Y a-t-il eu d’autres intervenants en Hongrie ?

Léon Zuratas : Oui. Notamment une société formidable qui s’appelle GreyKid. Elle est intervenue en sous-traitance sur une partie de l’animation, sur le compositing et sur la 3D. La contribution de GreyKid, dirigée par Stu Gamble, a été exemplaire. Je voudrais également rendre hommage à un animateur hongrois particulièrement doué : Peter Tenkei.

Vous n’avez pas utilisé de celluloïds pendant la création de l’animation…

Léon Zuratas : Non. Les dessins ont été réalisés à la main sur des feuilles de papier d’animation, puis scannés. Ils ont ensuite été colorés numériquement et intégrés au décor grâce à un compositing numérique réalisé par GreyKid.
Au final, c’est grâce à la maîtrise de Philippe Leclerc et de son équipe, à notre collaboration avec GreyKid, et avec la société belge YC Aligator, dirigée par Eric Van Beuren et Joseph Claes, qui a co-produit le film, que nous sommes parvenus à réussir ce projet, et que LA REINE SOLEIL est aujourd’hui achevé.

LA GENÈSE DU FILM :DU ROMAN ORIGINAL AU PROJET INITIAL

Entretien avec Christian Jacq, écrivain et égyptologue, auteur du roman La Reine Soleil

Né à Paris en 1947, Christian Jacq publie à 21 ans un essai sur les liens entre l’Égypte ancienne et le Moyen Âge. Il a entrepris des études d’archéologie et d’égyptologie, et obtient un doctorat d’égyptologie à la Sorbonne.

Christian Jacq publie une vingtaine d’essais, dont L’Égypte des grands pharaons, qui est récompensé par l’Académie française. Il devient producteur délégué à France-Culture, et travaille sur l’émission Les Chemins de la connaissance.
Son roman Champollion l’Égyptien remporte un énorme succès en 1987 et change alors sa vie. C’est l’année suivante que paraît La Reine Soleil, (Éditions Julliard, 1988) récompensé par le prix Jean d’Heurs du roman historique.

L’Affaire Toutankhamon obtient ensuite le Prix des Maisons de la presse en 1992, et la trilogie Le Juge d’Égypte reste sur la liste des best-sellers en 1993 et 1994 , totalisant plus de 300 000 exemplaires vendus.

En 1995, Christian Jacq entreprend de raconter la vie de Ramsès en cinq volumes. 650 000 exemplaires du premier tome, Le Fils de la lumière, seront vendus en France. L’ensemble de la saga sera vendu à 11 millions d’exemplaires dans le monde.
En 2000, son nouveau roman en quatre volumes, La Pierre de Lumière est traduit en vingt-trois langues et tiré à cinq millions d’exemplaires.

Christian Jacq est aujourd’hui le romancier français vivant le plus vendu dans le monde.

Comment votre passion pour l’Egypte antique est-elle née ?

Christian Jacq : J’ai lu un livre qui m’a fasciné quand j’avais 13 ans. Il s’agissait de L’histoire de la civilisation de l’Egypte ancienne, un ouvrage en trois volumes écrit par l’égyptologue belge Jacques Pirenne. C’était un panorama complet, richement illustré, qui m’a donné l’impression d’entrer dans un territoire dans lequel je me sentais bien. A l’époque, l’égyptologie était encore une discipline hermétique, réservée à quelques rares spécialistes. Ce livre était une formidable ouverture sur un monde fascinant. Je me suis renseigné sur le parcours que je devais suivre, et je suis passé par des études à la Sorbonne, par un doctorat d’égyptologie, et je suis allé au bout de ma passion.

Quels sont les grands chocs que vous avez ressentis en visitant l’Egypte ?

Christian Jacq : J’y suis allé pour la première fois à l’occasion de mon voyage de noces, il y a une quarantaine d’années. J’avais 18 ans et à ce moment-là, le tourisme était nettement moins développé qu’aujourd’hui. J’ai eu la chance de faire cette découverte en étant accompagné par un vieil égyptien merveilleux, qui commentait les sites que nous visitions. Nous sommes allés sur le site de Memphis, où j’ai vu un colosse couché à l’effigie de Ramsès. J’étais sidéré par la finesse des traits, le sourire et la beauté du regard de cette statue. Elle alliait la grâce et la puissance, ce qui est caractéristique de l’art égyptien. En voyant cette oeuvre présentée dans un bâtiment quelconque, j’ai pensé “Il devrait être debout, et j’aimerais participer aux travaux qui permettront de le redresser”. J’étais loin d’imaginer que j’allais écrire toute une série de livres consacrés à Ramsès ! Par la suite, j’ai été ébloui par la découverte de la grande pyramide. Il se produit quelque chose de magique lorsque l’on se rend là-bas. Même si vous croyez connaître le site par coeur parce que vous l’avez vu cent mille fois dans des magazines ou des documentaires, vous éprouvez une émotion incroyable. Face à cette énorme masse, vous vous sentez minuscule et en même temps élevé vers le ciel, vers un idéal de pureté. Dans le temple de Karnak, on reste bouche bée, et la vision des peintures des tombes de la Vallée des Rois, qui semblent avoir été achevées la veille, vous projette dans un monde merveilleux de dieux et de déesses ! Dans cette civilisation, rien ne se répète. Aucune tombe, aucune statue ne ressemble à une autre.

Comment vous est venue l’idée de La Reine Soleil ?

Christian Jacq : Je me suis d’abord posé des questions sur l’époque tourmentée d’Akhenaton et de Nefertiti, et je me suis rendu compte que l’on ne parlait presque jamais de leurs six filles. L’une d’entre elle, Akhesa, a vécu des événements graves et passionnants. C’était un destin splendide et fulgurant. J’ai trouvé là l’occasion de brosser un portrait d’une femme assez extraordinaire et je me suis lancé dans ce projet.

Quel travail préparatoire avez-vous réalisé avant de vous lancer dans cette écriture ?

Christian Jacq : Ce qui est pratique pour moi, c’est que je suis deux hommes en un : il y a d’un côté l’égyptologue et de l’autre, le romancier ! A un certain moment, j’ai décidé de lier ces deux personnages. L’égyptologue a dit au romancier : “Vas-y, raconte ces histoires, puisque tu sais le faire”, tandis que le romancier a demandé à l’égyptologue de lui fournir des informations rigoureusement exactes. Tout nouveau projet de roman commence donc par une longue période de préparation. La documentation que j’ai accumulée provient de la lecture des documents originaux, c’est à dire des hiéroglyphes que j’ai appris à lire de par mon métier. J’ai eu accès aux textes des tombes d’El Amarna, aux hymnes solaires qui ont été écrits par Akhenaton lui-même, et j’ai étudié toutes les statues et les bas-reliefs qui décrivent la vie quotidienne et les activités de cette époque. On les a retrouvés sous la forme de petits blocs de calcaires qui ont été extraits de deux grands pylônes de Karnak. On les a d’ailleurs réassemblés depuis pour remonter des parois telles qu’elles étaient à l’époque d’Akhenaton. Pour moi il est capital que chaque détail du roman soit vrai. C’est un respect que l’on doit au lecteur. Je rédige des notes sur l’Egypte depuis que j’ai 13 ans, et je continue à compléter cet immense stock de fiches depuis cette époque ! Mais pour répondre à votre question sur La Reine Soleil, je dirais que j’ai probablement passé plus d’un an à réunir la documentation spécifique qui m’a permis d’écrire ce roman.

Quelle proportion de scènes imaginaires avez-vous ajoutées aux faits historiques ?

Christian Jacq : Pas beaucoup, parce que j’ai respecté toutes les dates réelles, qu’il s’agisse du déroulement du règne d’Akhenaton ou des cérémonies officielles dont on a pu retrouver la trace. Je me suis inspiré aussi des vrais rapports de pouvoir et de puissance.

Mais en dehors de cela, je me nourris de la lecture des hiéroglyphes et des bas-reliefs de l’époque, qui sont pour moi des “bandes dessinées” qui contiennent le texte et l’image, et qui me donnent l’impression de voir des scènes qui bougent et qui vivent.

En tant que romancier, j’ai envie de donner de la chair à tous ces personnages, et je les fais vivre et parler comme ils le faisaient à l’époque. Je me souviens par exemple d’une scène peinte où l’on voit deux ouvriers agricoles discuter dans un champ. L’un dit à l’autre “Arrête de feignasser ! Tu ne fais rien. Si ça continue, je vais être obligé d’appeler le contremaître !”. L’autre lui répond “Attends, j’ai soif ! Laisse-moi tranquille. Tu me casses les pieds !”. Ils parlaient réellement comme ça, comme nous ! C’était intéressant de mettre en scène ces personnages anonymes de la vie quotidienne dans mes romans. J’ai essayé de me glisser complètement dans la vie de l’époque.

LA REINE SOLEIL est la première adaptation d’une de vos oeuvres au cinéma. Comment vivez-vous cette nouvelle expérience ?

Christian Jacq : Avec beaucoup de plaisir. Depuis vingt ans, les droits de chacun de mes livres ont été achetés par des productions françaises et américaines, mais ce sont des projets difficiles à monter, de très grosses machines. Aujourd’hui, je suis heureux que l’un de ces projets ait abouti. Je ne m’attendais pas à ce que cette première adaptation soit un dessin animé, mais je dois dire que le résultat est formidable. C’est très étrange de voir comment quelqu’un adapte et repense votre travail, mais c’est réussi.

Qu’est-ce qui vous a plu à la lecture du scénario ?

Christian Jacq : J’ai aimé la manière dont on a respecté l’esprit du roman, et la personnalité d’Akhesa. Les auteurs et le réalisateur aiment l’Egypte et cela se sent énormément. J’ai été frappé par la beauté des images et des décors. Il y a vraiment des choses magnifiques, qui passent presque trop vite. J’ai eu plusieurs fois l’envie d’arrêter l’image pour avoir le temps de tout apprécier ! Toutes les dimensions du roman sont là : l’humour, l’aventure, la description de la démarche mystique d’Akhenaton. Je suis donc vraiment content de ce film.

Quelles sont les scènes que vous avez préférées ?

Christian Jacq : J’aime beaucoup le début : l’aventure d’Akhesa qui se faufile dans la ville, et qui est accompagnée par une chatte pleine de ressources. En une scène, on comprend qu’il s’agit d’une héroïne indépendante et courageuse. J’ai beaucoup aimé aussi la séquence de la barque solaire, lorsque le pharaon entre dans la pyramide. Ce mysticisme est bien rendu. La scène des retrouvailles entre Akhesa et Nefertiti est également très émouvante. Il y a beaucoup de beaux passages.

Tout au long de votre carrière d’écrivain, vous avez oeuvré pour faire connaître l’Egypte antique à un large public. Êtes-vous satisfait de savoir que LA REINE SOLEIL va toucher à présent des jeunes spectateurs qui n’ont pas eu accès à votre livre, grâce à l’animation ?

Christian Jacq : Enormément ! J’ai déjà eu l’occasion d’écrire directement pour les enfants, notamment au travers de contes. La plus jeune lectrice de mes romans a 7 ans. Elle m’a envoyé une lettre dans laquelle elle me pose des questions. J’ai aussi beaucoup de lecteurs de 13, 14 et 15 ans, qui sont de vrais passionnés. Ce film d’animation est une très belle étape, car je pense qu’il réunit des qualités qui permettent d’intéresser aussi bien les adultes que les plus jeunes. Il me donne aussi l’impression d’être l’heureux grand-père de plein d’enfants !

Source : dossier de presse du film “La Reine Soleil”

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