Les Césars, ou les retrouvailles de l’auteur et du public

0
1697
 

Les 24 et 25 février, l’agenda de l’équipe d’Indigènes est chargé. Samedi Césars, dimanche Oscars. Pour la cérémonie de remise des prix du cinéma français, qui en est à sa 32e édition, le film de Rachid Bouchareb a été nommé dans neuf catégories. Aux Oscars, Indigènes représentera l’Algérie. Cette proximité de dates entre les deux célébrations, la française et l’américaine, montre à quel point les Césars sont redevables à leur aîné hollywoodien, mais aussi comment, au fil des ans, ils ont acquis une personnalité propre.

Fondée par Georges Cravenne en 1976 sur le modèle de la Motion Picture Academy américaine, dirigée par Daniel Toscan du Plantier de 1992 à sa mort en 2003, l’Académie des arts et techniques du cinéma est présidée par le producteur Alain Terzian (Les Visiteurs, Anthony Zimmer). En quatre ans, il a procédé à un toilettage de l’organisation. Le corps électoral est régulièrement renouvelé, la procédure a été simplifiée, le nombre de catégories ajusté : “Aujourd’hui, il y a 3 500 personnes qui choisissent parmi cinq nommés dans vingt catégories”, explique le président.

Alain Rocca, lui aussi producteur (Un monde sans pitié, Marock), le trésorier de l’Académie, la décrit ainsi : “Pour la majorité, ce sont les chefs de poste des équipes techniques – chef opérateur, ingénieur du son, et depuis cette année, chef électricien et chef machiniste. Les techniciens représentent environ les deux tiers des membres, les autres sont des artistes – réalisateurs, acteurs ou scénaristes.” Pour faire partie de l’Académie, il faut en faire la demande et payer une cotisation annuelle de 50 euros. Le trésorier estime qu’environ la moitié des professionnels français du cinéma font cette démarche.

Une fois membre, on l’est à vie, et les retraités pèsent lourd parmi les votants, d’autant qu’ils ont le temps, plus que les autres, de visionner quelque 150 films. Avec l’arrivée du DVD, ce processus a été transformé. Chaque année, l’Académie fait parvenir à ses membres un coffret qui, en 2007, renfermait 69 films. Pour l’instant, l’Académie, qui est encore dans un “processus de désendettement”, comme le rappelle Alain Terzian, ne finance que le tiers de cette opération. Les producteurs des films doivent débourser 5 000 euros pour “être dans le coffret”.

L’absence est un handicap, pas forcément rédhibitoire : pour des raisons techniques et financières, Maïa Films, la société qui a produit Lady Chatterley, de Pascale Ferran, n’a pu glisser son film parmi les autres. Celui-ci a quand même récolté neuf nominations. Pour les films qui ne sont pas diffusés en DVD, l’Académie organise des projections dans une salle parisienne à l’intention des membres, ce qui laisse hors circuit ceux qui habitent loin de la capitale.
Aux Etats-Unis, ce sont les producteurs qui envoient aux votants leurs films, les accompagnant de cadeaux plus ou moins somptueux. Le système du coffret permet de circonvenir ces pratiques. De même, l’Académie décourage activement les tentatives d’imiter les stratégies de marketing qu’emploient les studios hollywoodiens dans les semaines précédant les Oscars.

UN INTERDIT RESPECTÉ

Pour Alain Rocca, “le jour où les grands studios se mettront à plomber le processus par leur puissance marketing, les Césars seront finis”. A quelques exceptions près (en 2006, EuropaCorp, la société de Luc Besson, avait pris des pages de publicité dans la presse professionnelle pour vanter les mérites d’Angel A), cet interdit est respecté.

Ce qui permet aux Césars de satisfaire de temps à autre au “fantasme consensuel du film d’auteur qui touche un large public”, comme le dit Gilles Jacob.

Le président du Festival de Cannes, qui a rejoint le bureau de l’Académie, estime que le vote et la cérémonie trouvent leur légitimité dans ces épisodes, qui ont permis par exemple, en 2004, à L’Esquive et Quand la mer monte de conquérir un public qu’ils n’auraient pas atteint sans les trophées.

En 2007, l’essentiel des nominations sont allées à des films dont le succès était déjà fait : Ne le dis à personne, Indigènes, Je vais bien ne t’en fais pas. A une exception près, Lady Chatterley. Sorti le 1er novembre 2006, le film de Pascale Ferran n’avait pas encore atteint 150 000 entrées lorsque le prix Louis-Delluc (le 21 décembre) et les nominations aux Césars (le 28 janvier 2007) ont aidé à prolonger sa carrière. A la veille de la cérémonie, cinquante copies du film sont en circulation. Ad Vitam, la société qui distribue Lady Chatterley, a réorienté ces copies vers les grandes salles des grandes villes pour les semaines des 21 et 28 février. “Dès le début, le film a été soutenu par les exploitants et le public, raconte Alexandra Henochsberg, d’Ad Vitam. Aujourd’hui ce sont les responsables de salles qui nous le demandent à l’approche des Césars.” En cas de trophée, le distributeur est prêt à augmenter le nombre de copies.
Avec 200 000 entrées, Lady Chatterley n’a sans doute pas fait le plein de ses spectateurs. Reste à savoir si les membres de l’Académie donneront le coup de baguette magique, dit, en langage professionnel “effet César”.

Thomas Sotinel

Article paru dans l’édition du 24.02.07 / LE MONDE

Si vous voulez connaître le calendrier de mes sessions de formations, allez sur Dirprod Formations.

Mes principales formations :

Créer sa boîte de prod !
Produire un documentaire pour la télé.
Directeur de production pour le cinéma, les indispensables.
Directeur de production en fiction télé, les indispensables.