On imagine que, depuis le temps qu’elle fait du cinéma, elle doit bien avoir au moins… Et puis, quand elle arrive, on se dit que, pour les faire aussi peu, il est impossible qu’elle les attrape en mai prochain, ses 40 ans. Elle doit tricher sur son âge, mais pas dans le même sens que les autres. Oui, elle fait du cinéma depuis bientôt vingt-cinq ans, pourtant « Je crois que je l’aime » est sa première vraie comédie. Il fallait bien que ça lui arrive. Drôle de truc pour une actrice, la comédie. Surtout pour une actrice comme elle : «Moi qui ai été formée à la méthode Pialat, surtout ne rien donner avant, tout garder pour se lâcher au moment de la prise, ça m’a fait bizarre de devoir répéter à fond, de travailler pour trouver les rythmes. Parce que, pour trouver, rien à faire, il faut jouer. Et moi, d’habitude, au bout de dix fois, ça cesse de m’intéresser, c’est très difficile de réinventer sans cesse. Surtout quand on découvre au tournage qu’il faut tout changer : ainsi la première scène devait se dérouler dans un parking, elle a dû être déplacée dans un espace beaucoup plus restreint, nous avons été obligés de tout ralentir, de casser tout ce que nous avions fait. Nous n’avions plus de repères, les pièces du puzzle étaient éparpillées.» Tout cela pour n’être jamais sûr que la scène sera réussie, que ce qui vous a fait rire au tournage plaira aux spectateurs : «C’est très mécanique, alors que dans le drame vous vous sentez comme porté. Là, une scène comme celle du baiser, avec les cheveux qui s’accrochent dans le bracelet-montre, on se demande si c’est vraiment drôle.» C’est drôle, vraiment.
Il est vrai aussi que la veine comique du film ne passe pas si souvent par la belle Elsa, céramiste solitaire dont s’éprend l’homme d’affaires Vincent Lindon, mais plutôt par François Berléand, lui aussi un complice attitré de Pierre Jolivet, qui joue avec gourmandise un détective privé spécialiste de la surveillance et de l’écoute. («Heureusement que François et moi n’avions pas trop de scènes ensemble, parce qu’il ne peut pas s’empêcher de faire le pitre et qu’il le fait trop bien.») Le film marque en revanche ses retrouvailles avec Vincent Lindon, rencontré sur « Quelques jours avec moi » : «Je me souviens que Claude Sautet était assez dur avec lui : Vincent était très inquiet, demandait souvent si ce qu’il faisait convenait à Claude, qui lui répondait plutôt sèchement. Aujourd’hui, Vincent est toujours très angoissé avant la prise, mais ensuite il se libère complètement et tente énormément de choses.»
Ce qui l’a tentée dans « Je crois que je l’aime » ? «Il y a un vrai thème, la rencontre du monde de l’art et de celui des affaires, à travers deux personnages qui ont peur d’aimer, de se livrer. Et puis, il ne correspond pas à l’image du play-boy habituel, et moi je ne suis pas une bimbo aux gros nichons. Mais j’ai pris rendez-vous avec un chirurgien!» A se demander si le cinéma français ne néglige pas ses actrices… «Quand vous arrivez à la quarantaine, vous avez droit aux rôles de mère : tout est pour la fille, vous êtes là seulement de temps en temps. Récemment, on m’a donné un scénario en me proposant le premier rôle féminin : j’ai lu, je n’ai pas trouvé le personnage… Nous sommes dans le fantasme de la femme tel que les médias l’entretiennent. Le désir de l’acteur est de rencontrer un rôle ou un metteur en scène, ou les deux en même temps. Mais même s’il existe quelques très bons cinéastes en France, nous avons été habitués à plus. Alors, le désir n’est pas vraiment là, il revient de temps en temps. Et même si ce n’est pas un métier fatigant, la lassitude finit par s’installer, les tics d’acteur s’imposent. C’est comme pour le patinage artistique : il ne faut surtout pas rater les figures, les scènes clés d’un film, pour le reste, on laisse filer. Mais il est très rare de n’avoir que des figures à interpréter. Il y a surtout des films où vous avez juste le costume.»
Ne pas en conclure que Sandrine Bonnaire est triste. Au contraire, elle rit tout le temps. Sans doute aussi parce que depuis quelque temps elle se sent de nouveau «utile». Depuis qu’elle filme Sabine, une de ses soeurs, 38 ans, autiste : «J’ai des images d’elle depuis 1987, une centaine d’heures en tout. Elle vient de passer cinq ans dans un hôpital et elle a perdu tous ses moyens : elle savait lire, écrire, jouer de la musique, et là, plus rien. Elle a été comme coupée dans son élan. Depuis juin dernier, je passe régulièrement quatre ou cinq jours avec elle, elle est au centre du dispositif, elle est le moteur d’une aventure…» Elle termine actuellement le montage du film. Ensuite, elle jouera « Un coeur simple », adaptation du conte de Flaubert par une jeune cinéaste. Un premier film, le désir est toujours là.
Source : par Pascal Mérigeau pour Le Nouvel Obs du 15/02/2007
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Les coulisses
Pierre and co (1)
En dix ans, de Fred à Je crois que je l’aime en passant par Ma petite entreprise, Le Frère du guerrier et Filles Uniques et Vincent Lindon et Pierre Jolivet auront travaillé cinq fois ensemble. “J’aime sa façon de me regarder, et j’aime l’image de moi qu’il me renvoie, confie l’acteur à propos de son cinéaste-fétiche. “Avec Pierre, je me rends compte que l’une de nos étapes favorites est le moment où l’on cherche la tenue du personnage : du chômeur de Fred, avec son blouson de cuir et sa moustache, au guerrier du XIIIe siècle, en passant par la Petite entreprise, pour finir cravaté, en costume strict du grand patron, avec une belle et grosse voiture. Quelle ascension sociale que celle-là ! C’est quasiment un “morphing” comme ils le font dans certaines gazettes avec le costume d’un côté et les dates de l’autre.”
Pierre and co (2)
Dès son premier long métrage, Strictement personnel en 1985, Pierre Jolivet a fait appel à François Berléand. Aujourd’hui très sollicité, l’acteur était alors totalement inconnu du grand public. Et c’est d’ailleurs grâce à un autre film de Jolivet, Strictement personnel, qu’il accède à la notoriété quelques années plus tard (avec à la clé un César du Meilleur second rôle en 2000). Les seuls films du réalisateur dans lesquels Berléand n’apparaisse pas sont Force majeure ainsi que le précédent Zim and co.. A propos de ce film, l’acteur plaisante : “D’accord, il n’y avait pas de rôle pour moi ; d’accord, c’était un film sur des ados ; d’accord, il ne voulait que des inconnus, et des acteurs identifiables auraient détourné l’attention, mais je m’en foutais, je voulais juste être là, pour assister aux vrais débuts de son fils Adrien que j’ai connu tout petit.”
Source : Allociné
Casting complet
Réalisateur Pierre Jolivet
Acteurs
Lucas Vincent Lindon
Elsa Sandrine Bonnaire
Roland Christin François Berléand
Rachid Kad Merad
Jeanne Larozière Liane Foly
Sophie Helene de Saint-Père
Brigitte Guilaine Londez
Albert Albert Dray
Producteur Frédéric Bourboulon – VENDREDI FILM
Scénaristes Pierre Jolivet / Simon Michaël
Equipe technique
Directeur de la photographie Pascal Ridao
Monteur Yves Deschamps
Chef décorateur Emile Ghigo
Costumière Elisabeth Tavernier
Ingénieur du son Pierre Excoffier
Directeur de production François Hamel