Samy Naceri: le bon et la bête

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La scène ne dure qu’une dizaine de secondes. Sur les images enregistrées par la caméra de surveillance placée à l’entrée d’une boîte de nuit d’Aix-en-Provence, Samy Naceri apparaît. Le comédien est accompagné de deux jeunes femmes. On le voit refuser de faire la queue et remonter la file d’attente. On distingue un signe du videur qui lui refuse l’entrée. La suite, qui ne figure pas sur la bande, a un air de déjà-vu: en un énième épisode d’une éprouvante série, le bon “Dr Samy” cède la place à l’affreux “Mr Naceri”. Le Daniel des films Taxi, le sympathique as du volant marseillais, l’acteur doué, instinctif, prix d’interprétation à Cannes pour son rôle dans Indigènes, redevient l’homme ivre, violent, perdu, celui qui multiplie les incartades et les condamnations en justice.

Il sort un couteau. Menace. Insulte. Crie. Avant d’être finalement désarmé. Blessé dans la bagarre, il souffre d’une fracture de la mâchoire et de deux dents cassées. L’incident du 3 janvier lui vaut d’être écroué à la maison d’arrêt de Luynes, jusqu’à son procès, le 8 février, pour “violences avec arme n’ayant pas entraîné d’incapacité”.

Tout bon, tout mauvais. Tout blanc, tout noir. Samy Naceri ne se perd pas en nuances, comme s’il ne pouvait faire autrement que d’être cet homme aux deux visages, ce mélange de violence et de générosité auquel lui-même ne comprend plus rien, au dire d’un de ses amis.

Il avait arrêté la cocaïne, pas l’alcool

Depuis 2000, l’acteur s’est retrouvé à six reprises devant les tribunaux: insultes à agent, conduite en état d’ivresse, menaces et injures à une hôtesse de l’air, etc. Il accumule les condamnations. La plus lourde – six mois de prison ferme – a été prononcée à Nanterre, pour des insultes racistes envers des policiers venus l’interpeller à l’issue d’une dispute avec son ex-compagne. Le 25 avril, il comparaîtra à Paris pour avoir lancé un cendrier au visage d’un jeune styliste. A Aix, après l’affaire de la boîte de nuit, fatigué, hébété, il a juré une nouvelle fois qu’on ne l’y reprendrait plus. Qu’il allait s’installer à la campagne avec son fils, âgé de 12 ans. “Il réfléchit, explique son avocate, Me Françoise Cotta. Il trouve tout ça stupide. Et il sait qu’il doit régler son problème d’alcool.”

Depuis huit mois, l’acteur s’était astreint à un régime sévère; il avait cessé de consommer de la cocaïne. Puis il a replongé dans l’alcool. Des proches avancent le décès récent de sa mère, inhumée au mois de décembre, pour justifier cette rechute. “Samy est atteint de la maladie la plus répandue en France: l’alcoolisme, préfère insister Daniel Vatinet, son agent. Il ne supporte plus une goutte.”

Une réputation d’acteur irréprochable

Le “commissaire” Bernard Farcy ne connaît que le bon Samy. Il n’a jamais eu l’ombre d’un problème avec lui. Et pas seulement parce qu’il n’est qu’un policier de cinéma. “Je ne l’ai jamais vu impoli ou irrespectueux sur un tournage, témoigne l’acteur qui partage avec Naceri la vedette du film Taxi 4. C’est un garçon adorable, aux antipodes de celui qu’on découvre sous la rubrique des faits divers. C’est comme si, une fois loin des plateaux, il devenait un autre.” “Ce n’est pas un pernicieux ni un sournois, ajoute Farcy, comme d’autres salopards, dans ce métier, qui savent garder leur calme et un sourire de façade, mais demeurent à l’intérieur autrement plus pourris que Samy.”

Comédien connaissant parfaitement son texte, et parfois même celui de ses partenaires, complètement dans son rôle dès que les moteurs tournent, Samy Naceri jouit d’une réputation professionnelle irréprochable, “prouvée” par onze longs-métrages, de Léon (1994) à Taxi 4 (2007).

Me Emmanuel Asmar va plus loin. Cet avocat spécialisé dans la défense des intérêts des gens du cinéma, qui connaît l’acteur depuis dix ans et l’a juridiquement accompagné dans beaucoup de ses galères, l’apprécie. “C’est un univers extrêmement dur, dit-il, où mes clients pensent d’abord à eux-mêmes. Samy, c’était l’un des seuls qui, au Nouvel An, venait toujours avec un petit cadeau pour chacun au cabinet, me demandait spontanément des nouvelles des uns et des autres.” “Il est arrivé, poursuit l’avocat, qu’il soit parfaitement normal à mon bureau. Et, une heure et demie après son départ, on m’appelait pour me dire qu’il était en garde à vue. Je lui disais: qu’est-ce qui s’est passé? Il me répondait: je ne sais pas.”

Il était fidèle à ses “amis encombrants”

Faute de comprendre dans l’immédiat, le tribunal d’Aix a ordonné une expertise psychiatrique du prévenu. “C’est un garçon qui a une souffrance antérieure à sa célébrité, reprend Me Asmar, et qui, en même temps, a beaucoup de mal à aborder des problèmes personnels.” En arrière-plan de l’histoire d’un couple mixte franco-algérien, d’une petite enfance à Paris et d’une adolescence en banlieue (Fontenay-sous-Bois), figure la disparition du père, Djilali Naceri. Celui-ci a quitté le foyer familial et son épouse normande lorsque Samy Naceri avait 16 ans. Il est retourné en Algérie, où il a épousé une autre femme. A cette époque, le futur comédien était très proche de son père, avec lequel il travaillait sur des chantiers.

Et puis il y a ses amis encombrants, avec lesquels il a grandi, notamment Nordine M. et Imed M., deux figures du grand banditisme actuellement incarcérés. Naceri n’a jamais voulu rompre avec ce passé-là. Devenu star, en 1998, il revendique cette fidélité: “Je me découvre des tas de nouveaux amis. Je ne sais pas comment font les autres. Moi, j’ai gardé tous les anciens.” A ces fréquentations il emprunte un vocabulaire et des conceptions, comme le “code de l’honneur” qu’il transpose au milieu du cinéma. Il est ainsi persuadé que les réalisateurs qui lui ont fait confiance à ses débuts l’associeront à leurs nouveaux projets. C’est le cas de Luc Besson, qu’il vénère. Pas celui de Thomas Gilou, qui l’a employé dans Raï, mais lui a préféré Gilbert Melki pour La vérité si je mens.

Mr Naceri pourrait finir par nuire au bon Samy, qui a quatre films et une pièce de théâtre en projet. Où sera le comédien au moment de la sortie de Taxi 4, le 14 février, soit six jours après l’audience du tribunal d’Aix? La société de production, EuropaCorp, refuse de s’inquiéter. “C’est évidemment préjudiciable, reconnaît la direction, mais pas dramatique. Samy ne joue qu’une vingtaine de minutes dans le film, plus axé sur le commissaire joué par Bernard Farcy. Or c’est ce dernier qui fera l’essentiel de la promotion.” En 2005, un séjour de deux mois en détention provisoire lui avait coûté le rôle principal dans une adaptation au théâtre d’Orange mécanique. Un rôle taillé sur mesure où les violences de la scène semblaient faire écho aux violences de sa vie.

par Christophe Carrière et Pascal Ceaux

Source : L’Express.fr

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