Marion Cotillard : la jolie môme

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Elle pourrait jouer les compliquées, les capricieuses, forcer sur le mystère comme tant d’autres dont le métier est de séduire la caméra. Mais Marion Cotillard, consacrée par un césar en 2005, adoubée par Hollywood, a beau être l’une des plus prometteuses comédiennes de sa génération, elle ne sait tout simplement pas mentir.

Ce n’est pas pour rien que la jeune femme, âgée de 31 ans, milite pour protéger la nature. Son regard gris-vert déteste l’ombre. Sa bouche délicatement ourlée se passe très bien de maquillage. La première chose que l’on remarque chez elle, c’est sa voix. Une voix canaille, très titi parisien, qui n’aurait déplu ni à Arletty, ni à Simone Signoret, ni même à la môme Piaf, qu’elle ressuscitera bientôt dans le très attendu film d’Olivier Dahan. Une voix qui, durant tout l’entretien, ne s’élèvera qu’une seule fois. Pour râler contre les inconscients qui s’apprêtaient à quitter la suite de ce grand hôtel parisien en omettant d’éteindre la lumière. «Mais ça ne va pas, non? Vous imaginez le gâchis?»

Dans Une grande année, vous faites l’éloge d’une certaine douceur de vivre provençale, alors que vous enchaînez les tournages à un rythme frénétique. La lenteur trouve-t-elle sa place dans le quotidien de Marion Cotillard?

Absolument. Ces trois dernières années, j’ai connu une sorte de boulimie de travail, c’est vrai, parce que les choses sont arrivées un peu sur le tard pour moi. On peut facilement perdre pied quand on emprunte la vie des autres. Aujourd’hui, je m’accorde enfin du temps, mais je suis encore en phase d’apprentissage. C’est difficile de se faire plaisir quand on ne s’aime pas, ce qui a été mon cas pendant très longtemps. Depuis que je suis capable de me regarder avec un peu de tendresse, et même parfois avec une certaine fierté, je fais preuve de plus d’indulgence.

Concrètement, que faites-vous quand vous voulez vous faire plaisir?

Je vais dîner chez Joël Robuchon, je m’offre un beau voyage. Là, par exemple, je reviens de la Polynésie et du Pérou. Il y a quelques années, j’ai séjourné un mois en Inde, un mois et demi à New York. Je m’échappe aussi vers ma maison du Loiret. Je ne pourrais pas me passer de la campagne. Il y a trop d’énergies négatives à Paris.

Qu’y a-t-il de plus inhibant pour une actrice: jouer sous la direction de Ridley Scott ou donner la réplique à Russell Crowe?

Difficile de répondre. J’adore les films de Ridley Scott, j’avais trouvé Russell bouleversant dans Un homme d’exception, que j’ai vu trois fois. Le plus dur, dans ces cas-là, c’est de faire en sorte que l’admiration cède la place au travail. Mais Russell est tellement simple, gentil et drôle qu’il est difficile de se sentir mal à l’aise avec lui. De toute façon, je ne suis pas très inhibée de tempérament! Sur le plateau, il faisait des blagues tout le temps, montrait des photos de son fils, offrait du châteauneuf-du-pape cuvée 95 à toute l’équipe. Quant à Ridley, il a simplement respecté mon travail. Une fois que je trouve mes repères, j’ai tendance à ne penser qu’au boulot.

Si vous deviez isoler trois moments clefs de votre déjà longue carrière?

Le jour où j’ai été choisie pour le film de Tim Burton. Pour la première fois, je me suis dit en voyant mes essais: tu vas avoir ce rôle. J’ai appris la bonne nouvelle quelques mois plus tard, alors que je n’y croyais plus. J’ai compris alors qu’il fallait que je fasse confiance à mon instinct. Deuxième déclic, Un long dimanche de fiançailles, en 2004. Un ami journaliste m’avait dit à l’époque: «Tu vas voir, ce film va tout changer pour toi.» Il avait raison. Le rôle de Tina Lombardi a été particulièrement décisif dans ma carrière. Le troisième déclic, c’est toute la durée du tournage de La Môme, l’an dernier. Une expérience tellement intense qu’il est encore difficile pour moi d’en parler. Pour la première fois, je me suis laissé investir totalement par un rôle. Je sais que je n’aborderai plus jamais mon métier de la même manière.

Dans Les Jolies Choses, vous incarniez déjà une chanteuse. Cette carrière ne vous a jamais tentée?

J’ai tellement d’admiration pour certains artistes que je ne pourrai jamais me prétendre chanteuse. Je ne me sentirais pas à ma place. Mais j’adore la musique. J’ai pris des cours de violoncelle, j’ai chanté du Piaf pendant des mois. Aujourd’hui, j’organise des karaokés avec des amis. Mes pauvres voisins n’ont pas le choix: soit ils se convertissent, soit ils deviennent fous!

La chanson de Piaf à laquelle vous vous identifiez le plus?

Les Amants d’un jour. J’ai découvert Edith Piaf quand j’avais 20 ans. Quand elle chante «Mais ils m’ont planté tout au fond du cœur un goût de leur soleil et tant de couleurs», ça me bouleverse à chaque fois.

Cette seule année, vous avez tourné à Prague, à Paris, en Provence et aux Etats-Unis. Que vous faut-il pour vous sentir «à la maison» où que vous soyez?

Le minimum. Deux pantalons, trois tee-shirts, une brosse à dents! La seule chose que j’emporte partout, c’est du papier et un crayon. Pour pouvoir prendre des notes, parce que j’ai la mémoire courte. Même chez moi, je me débarrasse des choses. Je m’allège. Je trouve que notre société nous pousse trop à la consommation.

Peut-on mener une vie privilégiée et conspuer la société de consommation?

C’est très paradoxal, je sais! Je suis en conflit permanent avec moi-même. Comme toutes les femmes, j’adore porter de jolies robes. Mon premier réflexe quand j’en achète une, c’est de regarder l’étiquette pour savoir à quel endroit elle a été fabriquée. Quand je cède à la tentation, j’en ressens une culpabilité qui dépasse souvent le plaisir de l’achat. J’adorerais pouvoir me passer de ces frivolités. Monter les marches du Festival de Cannes en jogging, ce serait un vrai challenge! Disons que j’essaie de faire attention, à mon échelle.

Vous militez au sein de Greenpeace. Si vous étiez nommée ministre de l’Environnement du prochain gouvernement, quelle serait votre première mesure?

L’éducation, dès l’école. La transparence avec le public. Et la répression avec les entreprises. Je serais impitoyable.

A l’inverse de nombreuses personnalités du métier, vous jouez peu sur le registre de la séduction.

Mais parce que c’est la barbe! Je suis toujours impressionnée par les femmes qui se métamorphosent littéralement lorsqu’un homme les approche. Beaucoup d’actrices sont dans ce cas. Moi, j’en suis incapable. C’est bien trop épuisant. D’ailleurs, je ne me maquille presque jamais. Et puis, ce n’est pas dans les moments où l’on cherche forcément l’attention de l’autre qu’on a le plus de charme, non? Ne pas sortir le grand jeu, c’est aussi une forme de séduction.

propos recueillis par Camille Renard

Source : L’Express du 2 janvier 2007

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