PHILIPPE CARCASSONNE

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PHILIPPE CARCASSONNE
PHILIPPE CARCASSONNE
 

Mini-bio :

Journaliste, puis rédacteur en chef de “Cinématographe”, il crée début 1986, la société Cinéa, qui a notamment produit “Tandem”, “Monsieur Hire”, “Tango”, et “Ridicule” de Patrice Leconte, “Quelques Jours avec Moi” et “Un Coeur en Hiver” de Claude Sautet; “La Désenchantée” et “La Fille Seule” de Benoit Jacquot; “Le Confessionnal” et “Le Polygraphe” de Robert Lepage; mais également “Les Innocents” d’André Téchiné, “Romuald et Juliette” de Coline Serreau, “Chimère” de Claire Devers, “S’en Fout la Mort” de Claire Denis, “Prospero’s Books” de Peter Greenaway, “Le Fils préféré” de Nicole Garcia, “Carrington” de Christopher Hampton, ou “Par dela les nuages” de Michelangelo Antonioni, “Nettoyage à Sec” d’Anne Fontaine (sa femme à la ville) et Wim Wenders.

L’ensemble de ces films ont obtenu 5 Selections au Festival de Cannes, une douzaine de Cesars, deux Prix Jean Vigo, et l’une des rares nomination française aux Oscars.

Il produit des films au sein de la société CINE B.

Interview :

En vingt ans de carrière, Philippe Carcassonne a produit des oeuvres de metteurs en scène aussi importants que Patrice Leconte, Claude Sautet, André Téchiné, Coline Serreau, Claire Denis, Peter Greenaway, Antonioni, Olivier Assayas et Jaques Audiard, rien que ça. Vice-président d’Unifrance et Président de la Commission des producteurs de longs-métrages, il est naturellement parmi les personnes les plus influentes dans le petit monde du cinéma français. À l’occasion de la sortie d’Entre ses mains, de son épouse Anne Fontaine, il nous a reçu avec courtoisie pour parler de son expérience et de la santé du cinéma en France. Peu emballé à l’idée de se faire un autoportrait, il a préféré donner l’appareil photo à son rendez-vous suivant qui n’était autre que Gaspar Noé, photographe pour Écran Large le temps d’une poignée de secondes.

Comment le jeune journaliste que vous étiez à la revue Cinématographe est-il devenu producteur en 1985 avec Tandem de Patrice Leconte ?

J’ai rencontré beaucoup de metteurs en scène durant cette période, et j’ai sympathisé avec certains d’entre eux, dont Patrice Leconte, Claude Sautet et André Téchiné. Une autre rencontre importante fut celle avec Gérard Brémont, Pdg de Pierre & Vacances, qui voulait explorer la production de longs-métrages. Comme il n’avait pas le temps, m’a laissé le soin de m’en occuper et j’ai pu faire le lien avec les réalisateurs cités qui par un heureux concours de circonstances, avaient des scénarii intéressants et recherchaient des partenaires.

Peut-on dire qu’il était plus facile de produire un film il y a 20 ans ?

Probablement, oui, même si on est souvent tenté de dire que l’herbe était plus verte dans le passé… Mais je ne mets pas ça sur le dos de lacunes de notre système réglementaire. La politique de soutien telle qu’elle est développée en France est l’explication du fait que le cinéma français reste le plus divers, dynamique et vivant en comparaison avec d’autres pays – mettons Hollywood à part. L’action du CNC me semble très positive et j’observe avec intérêt que des pays qui ont trop démantelé leur politique de soutien, comme l’Italie, sont tombés dans une sorte de trou noir en ce qui concerne la production, et que d’autres pays qui ont adopté une politique proche du modèle français, ont connu un développement assez foudroyant. La Corée est un exemple parfait, car ce n’est pas un coup de baguette magique sur la tête des réalisateurs coréens qui leur a permis du jour au lendemain d’être plus talentueux et de faire de bon films !

Un mot sur la polémique qui a touché Un long dimanche de fiançailles et sa nationalité ?

J’ai une sympathie personnelle pour les gens concernés, il ne m’est pas facile d’en parler… Je dirais que Francis Boesflug, Pdg de Warner France, s’y est pris bizarrement. Le côté positif de cette histoire et que cela nous contraint de clarifier une situation qui n’était pas claire. La politique de soutien a donné lieu à beaucoup d’abus. On a probablement trop accordé d’attention à l’affaire du Long dimanche… et pas assez à d’autres pratiques obscures qui existent, mais entre français et sans film événement. Journalistiquement, c’est moins sexy à traiter, mais cela touche des sommes très importantes et ces pratiques-là sont plus vicieuses.

Plus précisément ?

Il y a des mesures que le législateur a mises en place pour permettre aux gens de mieux financer les films avec moins de risques. Ces mesures sont détournées de leur objet et contribuent à augmenter les rémunérations de personnes plutôt que d’aller réellement dans le film. Si une boîte déclare réinvestir un % de son chiffre d’affaires, et qu’elle déclare des mesures de soutien fiscal ou parafiscal mises à disposition par la loi, c’est aussi un détournement de l’esprit de la loi. Les agents et les patrons de télés ne sont pas les seuls qui devraient se poser des questions…

Quel est le budget d’Entre ses mains ?

Je ne sais pas si je peux vous le dire…

Je m’attendais à cette réponse, et je voulais savoir pourquoi tant de producteurs sont frileux à l’idée de communiquer sur le budget de leurs films…

Pour une raison très simple. Ce sont des informations qui concernent tous ceux qui se sont impliqués financièrement dans le film, et si moi je n’ai pas d’états d’âme particuliers pour vous donner le budget d’un film, cela peut éventuellement gêner d’autres personnes donc il faudrait que je m’assure auprès d’elles que cela ne leur pose pas de problème.

Quel est le seuil d’entrées que vous espérez dépasser ?

Pour vous donner une idée sur le budget d’Entre ses mains, il est très proche du budget médian d’un film français en 2004, c’est-à-dire entre 5 et 6 millions d’euros. On ne part pas dans ce type d’opérations sans avoir une idée des minima que le film doit effectuer pas seulement en salles, mais dans toutes les formes d’exploitation qui vont contribuer à son amortissement : ventes à l’étranger, vidéo, télévision. Entre ses mains s’inscrit dans la lignée de films qu’a réalisés Anne Fontaine avec budget et casting comparables : Nettoyage à sec et Nathalie, ce dernier ayant coûté un peu plus cher. Ils se trouvent dans la fourchette des 400 000 à 600 000 entrées en France donc cela vous donne une idée de ce que nous visons.

Benoît Poelvoorde joue un rôle à contre-emploi, comme José Garcia dans Le Couperet qui n’a pas été un franc succès avec 606 165 entrées…

Ce n’est pas un échec, non plus ! Mais on peut aller plus loin en parlant de Coluche dans Tchao pantin. J’avais été approché pour produire Le Couperet, qui est un très bon livre et j’avais émis des réserves sur les possibilités de l’adaptation. Je reste sceptique sur la transplantation de cette problématique hors de l’Amérique.

On s’aperçoit dans votre filmographie qu’il y a peu de comédies !

Je recherche une carburation particulière avec des metteurs en scène qui ont envie de travailler avec moi et avec qui c’est réciproque. Soit ces réalisateurs n’étaient pas portés vers la comédie, soit ils l’étaient, comme Patrice Leconte, déjà très courtisé pour les comédies, justement. Les comédies sont souvent des commandes entre un producteur et un scénariste, et très souvent comme aux États-Unis, le réalisateur est invité à monter dans le bateau une fois qu’il est lancé. Ce n’est pas une démarche qui m’intéresse.

Il vous est souvent arrivé de vendre les droits de remake de vos productions aux américains, notamment ceux de Sur mes lèvres…

C’est un cas particulier. Il a été handicapé sur un plan international car la première mondiale, à laquelle devaient assister de nombreux acheteurs et distributeurs, dont des américains, a été programmée le 11 septembre 2001. Compte tenu des enjeux, on ne peut pas vraiment se plaindre par rapport à la tragédie des Twin Towers, mais il faut admettre que c’est la raison pour laquelle il n’a trouvé qu’un petit distributeur. Il a fallu attendre que le potentiel s’affirme au fil des projections pour que je reçoive diverses propositions de remakes donc pour ne pas faire de bêtises, j’ai pris un agent américain de l’agence CAA. Les négociations ont été très longues et l’opération n’est toujours pas terminée dans le sens que le studio (Paramount, Ndlr.) a levé l’option il n’y a pas longtemps. Autrement, le remake de Romuald et Juliette ne s’est pas tourné car Coline Serreau était par contrat attachée au projet et elle ne s’est pas entendue avec Miramax. Notre stratégie avec Monsieur Hire est différente car Patrice Leconte voudrait le réaliser et dans ce cas, je serais coproducteur. Quant à L’homme du train, les droits ont été vendus à la maison de production américaine Landscape Entertainment.

Comment se porte Unifrance, dont vous êtes vice-président, depuis la disparition de Daniel Toscan du Plantier ?

La personnalité et l’aura de Daniel étaient tellement particulières qu’Unifrance a perdu un ambassadeur particulièrement flamboyant, remarqué et remarquable. La bonne décision, prise de manière collective, a été de demander à quelqu’un au profil très différent, Margaret Menegoz de le remplacer. Il ne serait donc pas pertinent de faire des comparaisons. Je pense que dans l’absolu, Unifrance va bien, même si nous dépendons de la santé du cinéma français, et que nous souffrons de l’absence de réalisateurs d’une quarantaine d’années qui prendraient la place de gens comme Téchiné, Tavernier… qui représentaient un cinéma d’auteur plus ou moins commercial. Les films qui faisaient le rayonnement de l’exportation de notre cinéma étaient typiquement des films d’auteur à vocation relativement grand public. Il faut aussi noter le réveil des cinémas sud-américains et asiatiques qui ont pris le flambeau des films à langue non anglaise. Je ne suis pas inquiet plus que ça par ce phénomène déjà en récession. Je pense qu’il y a eu un emballement – notamment journalistique – pour des cinématographies jusque là trop ignorées, certes, mais cela fait beaucoup penser à un effet mode. Il est rare de retrouver des performances comparables à celles de In the mood for love et Hero. Le cinéma sud-américain est confronté à un problème supplémentaire car sa promiscuité avec Hollywood attire les cinéastes hors de leur pays. On ne s’en plaint pas car cela nous enlève des rivaux ! (Rire.)

L’été a été catastrophique pour le cinéma français. Les programmateurs sont-ils à blâmer ?

L’été n’est pas terminé et Peindre ou faire l’amour fait un bon démarrage. Il ne faut pas jumper aux conclusions. La lecture des statistiques dans le cinéma est un exercice très compliqué parce qu’on essaie d’établir des règles générales avec des indices extrêmement particuliers. Il est naïf de crier victoire quand un ou deux films évènementiels tirent la situation vers le haut… L’hirondelle ne fait pas le printemps et le corbeau ne fait pas l’hiver ! Je ne pense pas que le problème de la programmation ne soit que saisonnier. L’ensemble de la profession rencontre des difficultés à résister à cette tendance qui pousse à une consommation plus rapide. Nous sommes au stade du « ça passe ou ça casse. » et je me demande rétrospectivement si des sleepers, (films qui s’installent de nombreuses semaines dans le box-office, Ndlr.) d’il y a cinq ou dix ans auraient le temps de s’installer pour devenir les succès qu’ils sont devenus. Et si on remonte plus loin dans le temps, regardez Trois hommes et un couffin qui n’a jamais eu une grosse semaine, et qui a rassemblé au final plus de 10 millions d’entrées en France !

Changement radical de sujet, que pensez-vous du média internet, souvent considéré par les attachés de presse comme la dernière roue du carosse à côté des télévisions, de la presse écrite et des radios ?

D’un côté ça nous intéresse de développer cette nouvelle faculté de communiquer, et de l’autre, on a le sentiment de réchauffer une vipère inconsciente… La profession est inquiète devant le développement sauvage d’internet qui se traduit par des téléchargements, du piratage, de l’absence de contrôle, de rémunération. Les fournisseurs d’accès, qui ne sont pas des épiciers et ont de gros moyens financiers, se voient volontiers surfer sur des produits d’appel comme le cinéma sans vraiment renvoyer l’ascenseur.

Le piratage et internet en général pourrait-il toucher le cinéma autant qu’il l’a fait avec l’industrie musicale ?

Mon pessimisme naturel est borné par mes incompétences techniques ! Je ne maîtrise pas bien ce sujet. J’ai l’impression que nous sommes dans une phase transitoire. Chacun va devoir prendre ses responsabilités et des personnes mieux placées que moi s’en préoccupent. Le développement d’internet ne se retrouve pas dans le développement des possibilités de nos ressources de financement et de marketing sur ce format donc je reste encore sceptique face à cette explosion du net. Je ne vois qu’un exemple convaincant d’union entre internet et le cinéma, c’est Brice de Nice. Internet n’est certainement pas étranger au gros démarrage du film mais n’est-ce pas un cas unique en France ?

Propos recueillis par Didier Verdurand

Source : Ecran Large du 02/09/2005

Filmographie :

Producteur

Spaggiari (Prochainement), de Jean-Paul Rouve

L’Age des ténèbres (Prochainement), de Denys Arcand

L’Illusionniste (Prochainement), de Sylvain Chomet

Nouvelle chance (2006), de Anne Fontaine

L’Homme du train (2002), de Patrice Leconte

Rue des plaisirs (2002), de Patrice Leconte

Sur mes lèvres (2001), de Jacques Audiard

Comment j’ai tué mon père (2001), de Anne Fontaine

Félix et Lola (2001), de Patrice Leconte

Stardom (2000), de Denys Arcand

Franck Spadone (2000), de Richard Bean

Sabotage ! (2000), de Esteban Ibarretxe

Pas de scandale (1999), de Benoît Jacquot

Augustin, roi du kung-fu (1999), de Anne Fontaine

Fin août, début septembre (1999), de Olivier Assayas

Le Septième ciel (1997), de Benoît Jacquot

Nettoyage à sec (1997), de Anne Fontaine

Le Polygraphe (1997), de Robert Lepage

Ridicule (1996), de Patrice Leconte

Le Confessionnal (1995), de Robert Lepage

Augustin (1995), de Anne Fontaine

La Fille seule (1995), de Benoît Jacquot

Par-delà les nuages (1995), de Michelangelo Antonioni

L’Aube à l’envers (1995), de Sophie Marceau

Le Fils préféré (1994), de Nicole Garcia

Les Histoires d’amour finissent mal… en général (1993), de Anne Fontaine

Un coeur en hiver (1991), de Claude Sautet

Keep it for Yourself (1991), de Claire Denis

Ferdydurke (1991), de Jerzy Skolimowski

S’en fout la mort (1990), de Claire Denis

La Désenchantée (1990), de Benoît Jacquot

Monsieur Hire (1989), de Patrice Leconte

Romuald et Juliette (1989), de Coline Serreau

Chimère (1989), de Claire Devers

Quelques jours avec moi (1988), de Claude Sautet

Le Bal du gouverneur (1988), de Marie-France Pisier

Les Innocents (1987), de André Techiné

Tandem (1987), de Patrice Leconte

Producteur délégué

Dis-moi que je rêve (1998), de Claude Mouriéras

Producteur exécutif

Carrington (1994), de Christopher Hampton

Coproducteur

Tango (1993), de Patrice Leconte

Prospero’s books (1991), de Peter Greenaway

Producteur associé

Royal bonbon (2003), de Charles Najman

Les Pêchés mortels (1995), de Patrick Dewolf

Source : AlloCiné

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