TARAK BEN AMMAR

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TARAK BEN AMMAR
TARAK BEN AMMAR
 

Mini-bio :

Tarak Ben Ammar, né le 12 juin 1949 à Tunis, est un producteur de cinéma et homme d’affaires tunisien. Il est conseiller du groupe Vivendi et du riche prince saoudien Al-Walid ben Talal.

Après avoir obtenu un diplôme en économie internationale à l’Université de Georgetown à Washington, il décide de se lancer dans le cinéma. Il occupe une place stratégique en s’occupant de gros tournages se déroulant en Tunisie qui veut faire d’elle un pôle au service du cinéma maghrébin, arabe et africain. C’est le cas avec Les Aventuriers de l’arche perdue de Steven Spielberg ou La Vie de Brian des Monty Python. En 25 ans, pour un budget total de plus de 500 millions de dollars, Ben Ammar produit plus de 50 films de facture internationale, un succès qu’il doit à sa personnalité et à son talent de gestionnaire. Il devient ensuite un producteur important qui privilégie des films commerciaux et travaille surtout avec la France. En 1984, le président François Mitterrand le décore de la Légion d’Honneur en reconnaissance pour sa contribution au cinéma. On lui doit également Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ (Jean Yanne), Pirates (Roman Polanski), dont le tournage s’est mal déroulé suite à une mésentente entre Ben Ammar et Polanski, Mayrig (Henri Verneuil), dont Ben Ammar assure la production exécutive de son film Les Morfalous, et Femme fatale (Brian De Palma). Il est également le producteur de La Passion du Christ.

En 1994, Tarak Ben Ammar remporte une victoire sans précédent : à la suite d’un procès contre Universal portant sur le film Pirates de Roman Polanski, la justice américaine lui accorde près de 14 millions de dollars de dommages et intérêts. C’est la première fois, dans l’histoire du cinéma, qu’un producteur étranger, et de surcroît non-occidental, gagne un tel montant contre une puissante major américaine.

Il possède également 14% du capital de la chaîne de télévision bretonne TV Breizh. De juin 1996 à 1998, il occupe le poste de manager de Michael Jackson et lui produit sa tournée mondiale (52 concerts).

Interview :

Après La Passion du Christ qui a baptisé, sur fond de polémiques, sa structure de distribution salle, l’homme d’affaires international poursuit l’édifice de son groupe autour de la postproduction en France, les studios et labos en Tunie, la télévision en Italie… Sans oublier la production des prochains De Palma et l’acquisition de films tels que Mariage mixte qui sort le 26 mai, Espion mais pas trop avec Michael Douglas le 9 juin, Balistic avec Antonio Banderas en juillet et City by the Sea avec De Niro à la rentrée.

La naissance de Quinta Distribution avec La Passion du Christ de Mel Gibson marque-t-elle une étape importante pour votre groupe ?

Oui, par la nature événementielle et la qualité du film de Mel Gibson. Moins pour mon groupe, qui s’est déployé avant tout sur la production et les industries techniques, en France et en Tunisie, et la télévision en Italie. Si la création d’une structure de distribution salle répond bien à une réflexion stratégique de ma part, la distribution de La Passion du Christ, elle, tient plus du hasard. Le film va faire 2 millions d’entrées. Il y avait donc 2 millions de personnes qui avaient envie potentiellement de voir un film sur ce sujet. D’un point de vue purement commercial, je dirais que les distributeurs français en place n’ont pas fait preuve de beaucoup de flair, et encore moins de courage. Cela dit, je respecte quelqu’un comme Marin Karmitz qui, pour des raisons idéologiques, a refusé de le prendre dans ses salles. C’est son droit le plus strict. Je respecte moins sa manière de faire.

Vous aviez pourtant bien prévu d’intégrer la salle à vos activités françaises ?

Oui, mais pour plus tard, et avant tout pour que les cinq films que je produis ou dont j’acquiers chaque année les droits européens, pour la salle, la vidéo et la télévision, bénéficient d’une sortie correcte en France, où le marché est saturé de films. Auparavant, je les confiais à des distributeurs en place, mais je trouve que la mentalité a changé. On sent une vraie frilosité, parce que c’est devenu l’activité sans doute la plus risquée, et certainement pas la plus rentable. L’équipe de Quinta Distribution a montré son professionnalisme auprès des programmateurs, et c’est aussi important.

Vous n’avez pas évité la polémique en France ?

Il y a d’abord le débat national. J’ai été à nouveau étonné du décalage entre le sentiment du public et les prises de position des critiques. Le sondage que j’ai voulu à tout prix faire auprès des spectateurs à la sortie de La Passion du Christ – ne serait-ce que pour savoir si je ne m’étais pas fourvoyé ou si le film n’était pas tout simplement hors sujet –, m’a conforté dans ma certitude personnelle : 87% des interrogés ont affirmé que le film leur avait plu, 57% qu’ils ne pensaient pas qu’il y avait trop de violence gratuite, 88% que le film ne favorisait pas l’antisémitisme et 70% que les critiques n’étaient pas justifiées. En résumé : le film n’est pas antisémite et ne peut provoquer de quelque manière que ce soit une renaissance du racisme, ou une incitation à la violence. Au fond, que retient-on de cette affaire : une grande civilité du public français qui, en outre, a su se démarquer de cette élite qui prône la pensée unique.

La polémique est tout de même allée jusqu’à la démission de producteurs de l’UPF…

Ce que je peux vous dire, c’est que de l’extérieur, de l’étranger, on voit des producteurs français se bagarrer avec des producteurs français. Et personne n’en sort grandi. J’ai été touché par le soutien d’Alain Terzian que, bien entendu, je n’avais pas sollicité, et qui a défendu avant tout la liberté de circulation des œuvres. Je n’ai pas produit La Passion du Christ, je n’avais donc pas autorité pour demander l’aval de qui que ce soit. Mais, je ne trouve pas normal que Marin Karmitz ait pris position par rapport au film en tant que président de la fédération des distributeurs français, tout comme je trouve déplacée la démission d’Alain Goldman et Sylvain Bursztejn. Ils ont sans le savoir, du moins je l’espère, alimenté un faux débat qui donne des idées que le public n’aurait pas eues naturellement. Si j’étais cynique, je dirais que la polémique a servi le commerce… Fin de l’histoire.

Le prochain film distribué par Quinta est Mariage mixte d’Alexandre Arcady. Encore un film qui traite de la culture juive…

C’est un concours de circonstances, puisque c’est le film avec lequel je devais lancer Quinta Distribution, avant même d’avoir décidé de prendre La Passion. Si l’on en croit la tendance de la critique, Mariage mixte risque aussi d’être traité de film antisémite, ce qui serait un comble de la part d’Alexandre Arcady qui, au contraire, fait preuve d’une grande tolérance. Je n’en suis pas le producteur, mais Mariage mixte fait partie de notre line-up à venir, aux côtés de films que j’ai produits, ou achetés tous droits pour la France, l’Espagne et l’Italie : Espion mais pas trop avec Michael Douglas sort le 9 juin, et ensuite suivront en juillet Balistic avec Antonio Banderas et Lucy Liu et en septembre City by the Sea avec Robert De Niro.

On vous connaît comme un homme d’affaires international. Pourquoi avoir investi en France essentiellement dans les industries techniques, secteur le plus fragile ?

N’oubliez pas que je suis au départ producteur de films internationaux et prestataire de services en Tunisie. Je connais bien l’industrie du cinéma au sens large. L’expérience de Femme fatale que j’ai produit à 100% en France, m’a poussé à prendre pied dans cette prestation technique française qui a enthousiasmé Brian De Palma : il n’hésite pas à dire que le son, les effets spéciaux, ou la postproduction ont un niveau égal, voire supérieur dans les sites parisiens. Quand se sont présentées les opportunités de reprendre Ex-Machina, LTC, SIS, Data Ciné, le groupe Duran Duboi, j’ai vu une vraie possibilité de restructurer ces entreprises et les reconstituer autour d’un pôle haut de gamme.

Quel est votre investissement dans les industries techniques françaises à ce jour ?

Il m’a fallu d’abord assainir les sociétés et pour cela injecter du capital. J’ai investi 15 millions d’euros, et sauvé 450 emplois.

On parle d’un intérêt que vous porteriez aux laboratoires Eclair et/ou à GTC ?

On a eu effectivement de nombreuses conversations avec Éclair qui n’ont pas abouti jusqu’à présent. Fusion, rapprochement… plusieurs options ont été en effet évoquées. En revanche, je n’ai jamais approché GTC, qui est lesté d’un problème foncier très complexe. De plus, je ne suis pas sûr qu’il y ait en France la place pour trois grands laboratoires. Avec GTC, il n’y a eu aucune conversation, ni officielle, ni secrète…

Vous avez la culture du secret. Pourquoi ?

Parce que le cinéma est un métier où tout s’ébruite trop vite. Avoir le sens du secret, c’est d’une certaine manière affirmer sa crédibilité. Dans le monde des affaires, et le cinéma en est un, il ne faut jamais parler tant que tout n’est pas signé, définitivement conclu. Cela dit, je ne me cache pas non plus. Simplement, je n’ai pas l’obsession des médias, ni le goût de la fanfaronnade.

L’association avec un autre acteur de l’industrie française pourrait-elle vous intéresser ?

Pas pour l’instant. J’ai simplement promis à Luc Besson d’apporter les entreprises de Quinta dans sa cité du cinéma, à Saint-Denis. Je trouve son projet bien conçu, d’une grande intelligence.

Certains pensent que vous allez délocaliser la postproduction dans vos studios tunisiens…

C’est faux ! La postproduction en Tunisie est un non-sens et je lutte au contraire contre la délocalisation. Les réalisateurs exigent le plus souvent de travailler chez eux, au moins après le tournage. Mon ambition en Tunisie, parallèlement à mes studios qui accueillent essentiellement des grandes productions internationales, porte uniquement sur le tirage des copies. Non pas pour concurrencer les laboratoires français, et au passage me tirer une balle dans le pied, mais pour renverser la mainmise des grands laboratoires américains sur le marché européen.

La concurrence vient donc des Américains ?

Oui, en matière de postproduction, De luxe et Technicolor ont des centres de production à Londres et en Italie qui consolident leurs positions. À eux deux, ils tirent 4 milliards de mètres de pellicule par an, dont 230 millions importés en France. C’est plus que les 220 millions de mètres issus des labos français. Ce sont ces 230 millions de mètres-là que je vais aller chercher. Je tiens aussi à préciser que le tirage des copies n’est pas source d’emploi. Il s’agit d’une activité mécanique totalement automatisée, qui génère peu de valeur ajoutée. Les talents français, je fais tout, au contraire, pour les préserver. Quant à la délocalisation au niveau des tournages, elle vient essentiellement des pays de l’Est.

À quand la rentabilité de votre pôle de postproduction français ?

Pour bientôt, je l’espère. Car pourquoi ces entreprises n’étaient-elles pas rentables ? Parce qu’elles n’avaient pas de fonds propres. En injectant 15 millions d’euros d’argent frais, j’ai créé de la richesse, j’ai pu renégocier avec les banques sur le long terme. Et surtout, j’ai stoppé la concurrence ridicule exercée sur les prix. LTC ou Ex-Machina ne faisaient pas autre chose que du dumping. Il faut absolument assainir le secteur et instituer de nouveaux rapports avec nos clients producteurs et nos fournisseurs. C’est la condition sine qua non pour continuer à proposer la meilleure prestation de services et préserver les artistes et techniciens de talents.

Le groupe Quinta Communications est mal connu finalement. Présentez-le nous…

J’ai bâti Quinta pierre par pierre depuis 1989. Je l’ai développé autour de trois pôles, dans quatre pays distincts : la France où j’emploie 450 personnes essentiellement dans la prestation de services, et maintenant dans la distribution salle, mais aussi dans la production TV, aux côtés de Jean-Luc Azoulay ; la Tunisie où 50 personnes travaillent dans mes studios Imperium ; aux États-Unis, Quinta a également une structure pour la production et l’acquisition de films ; et enfin l’Italie où nous avons acquis deux réseaux nationaux de télévision : Sport Italia dont je suis actionnaire à 51% aux côtés d’Eurosport, filiale de TF1 qui en possède 49%, et D.Free, bouquet de cinq chaînes présentes sur la TNT. Le groupe compte près de 1 000 personnes et réalise un chiffre d’affaires de 150 ME.

Quelle est votre approche de la production ?

Quand j’initie un projet et le finance, je demande en contrepartie que les dépenses soient faites chez moi et je garde des droits européens, tous supports, y compris pour les films américains. Les projets peuvent ainsi bénéficier de mon réseau européen de chaînes de télévision.

Quels sont vos projets de cinéma ?

Je suis en discussion avec Woody Allen et Baz Luhrman, mais rien n’est signé. J’ai également en projet de faire les prochains films de Brian De Palma : Black Dalhia, l’adaptation du roman d’Ellroy, avec Scarlett Johansson et Toyer un thriller avec Juliette Binoche et Colin Firth. Les deux se tourneront en Europe et plus particulièrement en Italie. Il y a également le projet de La dernière légion, sorte de Gladiator qui sera tourné par Carlo Carlei en Tunisie et que je coproduis avec Dino de Laurentiis. Et puis, je prépare le prochain film de Pierre Boutron qui se fera en France.

Avez-vous des projets en matière de télévision, et notamment avec TF1 ?

J’ai des liens d’amitié et des contacts réguliers avec Patrick Le Lay, Martin Bouygues et Etienne Mougeotte. Mais pas de projets concrets en matière de télévision.

Alors pourquoi avoir embauché Evi Fullenbach pour “prêter” ses conseils à TF1 ?

Elle est d’abord auprès de moi pour renforcer la stratégie européenne de Quinta. Elle m’aide aussi dans mes choix de films américains, secteur qu’elle connaît sur le bout des doigts pour l’avoir couvert de longues années pour Canal+. J’avais besoin de son recul. Étant donné que je discute souvent avec TF1, je l’ai détachée aussi pour les conseiller et faire le lien. J’aime bien aider les gens qui ont la même vision des choses que moi.

On retrouve là la patte Tarak Ben Ammar…

C’est vrai (rire). J’ai été consultant de Rupert Murdoch, de Silvio Berlusconi, de Patrick Le Lay… sans pour autant être associés à eux. Car je reste obstinément indépendant. Ma grande fierté est d’avoir été accepté par les autorités de Bruxelles pour l’acquisition de mes chaînes italiennes. Tout cela après avoir poussé Jean-Marie Messier et Pierre Lescure à faire la paix avec Murdoch pour la fusion de Telepiu et de Stream en Italie, transactions que j’ai pu finalement conclure avec Jean René Fourtou et ses équipes. Ensuite, il m’a fallu produire tous mes bilans financiers, prouver que je n’étais pas le faux-nez de tel ou tel. Je peux vous assurer que le blanc-seing de la Commission européenne vaut tous les audits du monde.

Quel regard portez-vous sur le cinéma français ?

J’ai l’impression qu’on assiste à un passage de pouvoir, à mon sens très salutaire. Les difficultés rencontrées par Canal+, la crise de la production et des industries techniques ont créé une nouvelle génération de producteurs plus respectueux des attentes du public et conscients des enjeux économiques. Voilà qui me rend optimiste sur l’avenir du cinéma français. J’avoue que je reste sceptique sur le cinéma d’auteur introverti, qui ne s’adresse et ne touche que le cercle fermé des critiques. Certes, ces films sont nécessaires, mais ils sont trop nombreux à mon sens. Regardez la programmation chaque semaine…

Que diriez-vous à un producteur qui chercherait en vous un partenaire financier ?

Je l’écouterais avec intérêt. Je n’ai pas d’ego et j’accepte donc de n’être qu’une aide, un partenaire en cofinancement, en prestation de services, en distribution, ou même en conseil. Je suis un fédérateur, et je le revendique d’autant plus que je pense que le cinéma français manque de cette compétence.

Propos recueillis par Sophie Dacbert

Source : Le Film Français du 14 mai 2004

Filmographie :

Producteur

Hannibal Lecter : les origines du mal (2007), de Peter Webber

Chromophobia (2006), de Martha Fiennes

Mafia love (2004), de Martyn Burke

Femme Fatale (2002), de Brian De Palma

I Cavalieri che fecero l’impresa (2001), de Pupi Avati

Voyage (1994), de John Mackenzie

Mayrig (1992), de Henri Verneuil

Ecrans de sable (1992), de Randa Chahal Sabbag

L’Autre (1991), de Bernard Giraudeau

Toscanini (1988), de Franco Zeffirelli

Pirates (1985), de Roman Polanski

Bras de fer (1985), de Gerard Vergez

Besoin d’amour (1984), de Jerry Schatzberg

Par où t’es rentré ? On t’a pas vu sortir (1984), de Philippe Clair

Les Cavaliers de l’orage (1984), de Gerard Vergez

Plus beau que moi tu meurs (1982), de Philippe Clair

Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ (1982), de Jean Yanne

La Traviata (1982), de Franco Zeffirelli

Tais-toi quand tu parles ! (1981), de Philippe Clair

L’Adolescente (1979), de Jeanne Moreau

Le Larron (1979), de Pasquale Festa Campanile

Les Magiciens (1976), de Claude Chabrol

Producteur exécutif

Les Morfalous (1984), de Henri Verneuil

Le Grand carnaval (1983), de Alexandre Arcady

Monty Python, la vie de Brian (1980), de Terry Jones

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