Synopsis
Pierre-Jean accuse le fils des voisins du dessus, une riche famille juive, d’avoir volé de la viande dans la boucherie d’Edmond Batignole. Comme ce matin, la famille juive s’en va avec l’aide d’un passeur, pour Pierre-Jean cela ne fait aucun doutes. Peu convaincu mais subissant les ordres de sa famille, Edmond demande des explications avant que la police arrive et n’embarque toute la famille. A partir de cet incident, la famille Batignole devient les protégés des allemands, Edmond allant même jusqu’à être le traiteur officiel de la gestapo. Collaborateur malgré lui, il va bientôt passer de l’autre côté, lorsqu’un des enfants de cette famille juive qui s’est évadé d’un camp lui demande de l’aide. Il décide alors de la faire passer en Suisse ainsi que les deux cousines du garçon.
Critique
Héros malgré lui…
Les films se déroulant sous l’occupation allemande durant la seconde guerre mondiale sont nombreux. Tout a déjà été montré ou presque sur cette période ambiguë de notre Histoire. Dans ce genre d’entreprise, l’originalité doit résider dans le regard que porte le réalisateur et les scénaristes sur cette époque. Alors que Tavernier avec Laissez-passer choisissait le parti pris historique et tentait en véritable fan une lecture non-objective de la situation du cinéma français sous l’occupation, Gérard Jugnot, cinéaste attachant et inégal, a le mérite avec son dernier film (le 8ème…) de nuancer son propos, même s’il tombe parfois dans la caricature et les clichés qui sont, il est vrai, des règles propres à la comédie.
Jugnot tente, du moins dans sa première partie, de dresser un tableau de la médiocrité française à l’heure allemande. Médiocrité est peut-être un mot un peu fort car il parvient avant tout (et c’est là, la grande réussite du film…) de nous faire comprendre comment des petites gens ont pu collaborer avec l’occupant et comment certains ont pu dénoncer des juifs. Tout cela n’est pas une question de race mais de classe. La jalousie, le rêve de l’opulence (en cela le film est diablement d’actualité…) poussent souvent des êtres avides de réussite à commettre les pires actes. Si Pierre-Jean, le gendre d’Edmond Batignole (Gérard Jugnot) est antisémite, c’est par désespoir de ne pas voir ses pièces de théâtre jouées sur une scène parisienne. L’occupation est pour lui une opportunité pour parvenir à ses fins. Si l’épouse d’Edmond Batignole pousse son mari à prendre le luxueux appartement d’une famille juive que leur offre les allemands, c’est pour s’émanciper de sa classe de petite commerçante et rivaliser enfin avec les nantis. « Tout le monde ment » comme le dit Edmond Batignole, certains se cachent (les enfants juifs) d’autres jouent la comédie (la fille d’Edmond qui n’aime pas Pierre-Jean mais l’utilise pour avoir ses entrées dans le Tout-Paris)…
Comme dans une comédie de boulevard, tout commence par un quiproquo: Pierre-Jean accuse le fils des voisins du dessus, une riche famille juive, d’avoir volé de la viande dans la boucherie d’Edmond Batignole. Comme ce matin, la famille juive s’en va avec l’aide d’un passeur, pour Pierre-Jean cela ne fait aucun doutes. Peu convaincu mais subissant les ordres de sa famille, Edmond demande des explications avant que la police arrive et n’embarque toute la famille. A partir de cet incident, la famille Batignole devient les protégés des allemands, Edmond allant même jusqu’à être le traiteur officiel de la gestapo. Collaborateur malgré lui, il va bientôt passer de l’autre côté, lorsqu’un des enfants de cette famille juive qui s’est évadé d’un camp lui demande de l’aide. Il décide alors de la faire passer en Suisse ainsi que les deux cousines du garçon.
Après une excellente première partie parisienne très ironique où l’on pense à La traversée de Paris d’Autant-Lara, la deuxième partie avec le passage en Suisse souffre d’un manque de rythme et demeure plus conventionnelle. Le retour à la nature, aux vraies valeurs, la campagne chatoyante et une ferme isolée où Edmond redécouvre l’amour avec une femme seule dont le mari est prisonnier de guerre… Tout cela nous renvoie aux Jeux interdits de René Clément, au roman de Radiguet (Le diable au corps) où pour lui, la guerre fut 4 années de grandes vacances… Malgré cette réserve, le film de Jugnot est une réussite comme l’était Une époque formidable. C’est dans le registre de l’émotion contenue, d’un mélange de rires et de larmes que Jugnot excelle.
Le film donne raison à la phrase de Jean Renoir « tout le monde a ses raisons… », avec ses collaborateurs qui agissent par désespoir, ou ses résistants qui n’en sont pas vraiment, faute de moyens ou de courage… Batignole, lui, décide de faire table rase du passé et redémarre une nouvelle vie grâce à ces trois enfants qui lui tombent dessus et le réveille brutalement. La fatalité n’existe pas, seule la volonté compte.
Monsieur Batignole n’est pas juste un film mais un film juste.
Christophe Roussel (Le Quotidien du Cinéma)
Liste artistique :
Edmond Batignole : Gérard Jugnot
Simon Bernstein : Jules Sitruk
Marguerite Batignole : Michèle Garcia
Pierre-Jean Lamour : Jean-Paul Rouve
Micheline Batignole : Alexia Portal
Sarah Cohen : Violette Blanckaert
Guila Cohen : Daphné Baiwir
Colonel SS Spreich : Götz Bürger
Max Berstein : Sam Karmann
Lucien Morel (le passeur) : Ticky Holgado
Irène : Elisabeth Commelin
Lieutenant de gendarmerie : Hubert Saint-Macary
Administrateur : Philippe Du Janerand
Brigadier Albert : Daniel Martin
Rachel Bernstein : Nadine Spinoza
Liste technique :
Producteurs : Olivier Granier / Dominique Farrugia / Gérard Jugnot
Scénaristes : Gérard Jugnot / Philippe Lopes-Curval
Dialoguiste : Philippe Lopes-Curval
Directeur de production : Claude Parnet
Cadreur : Nicolas Herdt
Compositeur : Khalil Chahine
Monteuse : Catherine Kelber
Monteur son : Jean Gargonne
Mixage : Claude Villand
Chef décorateur : Jean-Pierre Lemoine
Costumière : Martine Rapin / Annie Thiellement
Maquilleuse : Lucia Bretones Mendez
1er assistant réalisateur : Hervé Ruet
Ingénieur du son : Michel Kharat
Directrice du casting : Françoise Menidrey
Scripte : Laurence Couturier
Réalisateur du making of : Cyril Cohen
Distribution : Bac Films
Sortie en salles : 6 mars 2002 – 1 h 20
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